Si
l’Bachir, l’intendant de la mosquée Laaraf
L’homme frêle, et longiligne, de tempérament
calme, et sage, a passé toute sa vie au
service des citoyens du village Nith YAALA, en travaillant
bénévolement comme intendant à la mosquée Laaraf de Tanaqoucht.
À
chaque jour que Dieu faisait, il s’occupait de tout, du lever au coucher,
sans jamais rechigner, quoique, la tâche
était immense, il l’accomplissait avec amour et abnégation : nettoyer,
restaurer, entretenir et préparer, tout ce dont a besoin une mosquée propre et
prospère.
Il
s’occupait également de la gestion des douches et de la chaudière à bois,
au sein de la mosquée, un moyen de
renflouer la caisse de la mosquée et procurer ainsi, des fonds pour faire face
aux dépenses.
Il
était horloger à des heures perdues, un métier acquis dans le tas et une
dextérité par ancienneté répondant admirablement et positivement aux commandes
des villageois.
Sans
ressource, je me suis toujours demandé de quoi, vivait-il, lui qui travaillait
bénévolement et ne touchait aucun revenu ; à la longue, et une fois âgé ;
qui s’occupera de lui et comment va-t-il répondre aux besoins de sa famille ?
Et
Dieu sait que sa famille était nombreuse, mais comme le seigneur n’abandonne
jamais ses serviteurs, lorsqu’il est arrivé à un âge avancé, le miracle fut, et
grâce à l’intervention d’une tierce personne, il bénéficia d’une pension de la
caisse de retraite qui lui permettait de vivre décemment le restant de ses
jours.
Si
L’Bachir, celui qui prénommait tous ses enfants garçons, « Mohand ».
De Mohand Séghir ; à Mohand Amokrane, en passant par Mohand Lyazid et
Mohand ou Idir, celui qui est donné en exemple de courage et de patience, il a
aussi grandi d’estime, aux yeux de ses compatriotes, le jour où il était témoin
d’une dispute entre deux frères à propos
d’une route mal entretenue qui séparait leurs deux maisons et l’un reprochait
la négligence de l’autre, et se renvoyait la faute, Si L’Bachir au cœur vaillant et au visage d’ange passa toute une semaine à
restaurer la route, ce n’est qu’une fois
celle-ci achevée que les deux frères se rendirent compte de leur bêtise, ils
coururent présenter leurs excuses à Si L’Bachir et se repentirent ainsi de leur
erreur.
Il
avait un doux regard, et une allure discrète, l’homme aux bonnes attentions :
Un
jour, Si L’Bachir, en attente, debout devant la porte de la mosquée tenant dans
ses mains une paire de chaussures.
Une
personne qui passait, remarqua la scène insolite, le questionna sur son
attitude : chaussures à la main ? Celui-ci répond naïvement, d’une
voix douce et presque inaudible, c’est Untel qui m’a prié de tenir ses
chaussures sinon il ne ferait pas la prière.
Celui
que tout le monde aimait, et respectait, n’échappait guère aussi à la plaisanterie.
Dans
une ambiance bonne enfant, comme cette anecdote qui consistait, en absence du
muezzin à inter changer à la dernière minute le disque phonographique de l’appel
à la prière par un autre.
Le
moment venu, Si L’Bachir, sans se douter un seul instant, dépose le disque sur
le plateau tournant, saisit le bras du vieux Gramophone, repose délicatement
son extrémité munie d’une tête de lecture sur le disque et brusquement jaillit
de l’amplificateur une voix vive de chanteur ; mettant Si L’Bachir dans une situation
oppressante et indécente, qu’il mettra fin dans la précipitation, tout en
répétant sa fameuse et habituelle phrase : « Allah, Allah, Allah ! »
Les
enfants ne rataient aucune occasion de porter la plaisanterie à son comble,
c’est le cas d’une personne qui évitait sciemment de toucher à l’eau, il arrivait
souvent en retard, et par conséquent, il
s’abstenait alors de faire ses ablutions, se tourne, alors immédiatement vers
le « Taymoum », une sorte de pierre lisse, cimentée sur le mur de la
salle de prière, essuie visage et mains et rentre rejoindre les fidèles.
Remarquant
le manège, les enfants se précipitèrent à enduire la pierre de suie, et lorsque,
le bonhomme comme à son habitude, toujours le dernier à l’appel du muezzin,
arriva au courant, se dirigea d’un pas pressé, vers la pierre, fait son rituel
et s’introduit dans la salle avec une face toute noire, et c’est des éclats de
rire qui fusent de la salle en pleine séance de prières.
Et
Si L’Bachir, dans son coin ; toujours, sourire aux lèvres ; comme à l’accoutumée,
minimise les choses et calme l’individu fou de rage, en lui disant :
–
« ce n’est qu’un chahut de gamins ! »
Si
L’Bachir, le commun des mortels ; s’est éteint à l’âge de 75 ans, le jour
où le vieux minaret de la mosquée Laaraf ne tenait plus debout, démoli à jamais.
Le
jour où les gens ont quitté l’ancienne mosquée pour la nouvelle à Ighil Laarbaa
(la crête du marché du mercredi).
Si
L’Bachir s’en est allé un jour, par un temps clair et ensoleillé, en 2011, il
avait subi une intervention chirurgicale quelques mois auparavant qui n’a pas
trop réussi, resta alité pendant un temps puis, rendit l’âme et rejoint ainsi
les gens de sa génération avec qui il avait passé les meilleurs moments de sa
vie.
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