vendredi 30 avril 2021

                  Le vieillard et l’âne roux

Saïd Bahmed, dit Dda Saa, le naïf des Bahmed, le simpliste, le confiant par excès  qui se laisse facilement tromper. Celui qui dit sa pensée avec ingénuité et sans détour, du genre je-m’en-foutiste, laxiste et indifférent. Un gros garçon amorphe et acariâtre.

Le temps où il allait aux champs à tout moment, tout en sachant qu’il n’y était pas autorisé par l’administration française .Il lui arrivait quelquefois de traverser normalement avec dédain, sans aucun scrupule  le barrage de l’armée. D’autres fois en le contournant, afin de rejoindre son verger avec son âne de couleur rousse, pour s’adonner à son activité.

Dda Saïd était bien visible, sur son bourricot, à partir de la tourelle, le poste de garde, située à « Iharkan », actuelle maison des Abderahmane.

Celle-ci, avec sa hauteur, elle dominait tout le village du côté sud, et toute l’étendue du  vaste maquis jusqu’à l’horizon, là où la terre et le ciel semblent se rejoindre.

Ce personnage, bizarre, un givré de la tête, pour les uns, un bouffon et un fada pour les autres, mettait tout le monde en effroi. Et nul au village ne comprenait quelque chose à l’attitude et le manège étrange du vieillard.

Le débridé, s’en fichait éperdument, autant, pour son âne qui n’en avait rien à braire que pour les gens du village qu’ils le regardaient d’un œil suspicieux et douteux.

Il se moquait de tout le monde et en premier lieu de la soldatesque française, auxquels il faisait de discrets pieds de nez à chaque passage.

Les villageois avaient beau essayer de le ramener à la raison, afin de cesser de défier les militaires.Du moins à le convaincre de changer d’itinéraire, où de se désolidariser de son âne roux.

À ces paroles, le vieillard n’avait point d’oreille, il n’écoutait que sa tête et ce que lui dictait sa conscience.

Chaque jour, il frôlait la mort un peu plus, en traversant le barrage sans se soucier un seul instant de la présence militaire, jusqu’à ce que, son fils excédé, et affolé, l’approchât :

- « Écoute, »  père !

- « Par  ta façon d’agir, tu défis es militaires.



 

Tu   n’es guère à l’abri d’une mauvaise surprise.



 

Surtout, avec ton âne, bien visible, tu es une cible facile.les soldats peuvent te tirer dessus, à n’importe quel moment. Sois raisonnable, et évite de te rendre aux champs, en dehors des jours autorisés ».

D’un ton négligeant, et trainant Dda Saa, répondit:

- « Ne t’en fais pas mon fils, ils ne me voient pas ! »

 

Le fils, un peu toqué par une telle réponse :

 

- « Comment çà ! Ils ne te voient pas ? » 

Répond le fils avec intonation et stupéfaction.

 

-« Et ton âne  , sa couleur éclatante, il trahit ta présence, et c’est tellement évident que vous paraissez comme un nez au milieu de la face. »

Dda Saa s’empresse de calmer son fils :

-« Ne t’emportes  pas mon fils ! Reste calme ».marmotte-il

-« Sache qu’à chaque fois que je traverse le barrage, ou que je sois visible de loin, je m’en remets toujours à Dieu, en récitant ce verset  Coranique »,

Qui dit :(Sourate ya Sin).- « Nous les avons enfermés entre deux murs, d’un voile, nous les avons enveloppés, devenus aveugles, ils ne voient pas ».

Extraordinaire, Dda Saïd !quelle confiance !quelle piété ! Car, ce  qui est étonnant, voire déconcertant, c’est que Dda Saa n’a jamais été iniquité.

C’est toujours lui, durant la révolution, sur le chemin du retour, vers son domicile, Dda Saa fit la rencontre d’un groupe d’hommes armés, de peur d’être tombé sur un groupe d’assimilés, il leur tint à peu près ce langage :

- « De visages, vous êtes des frères, de cœur, Dieu seul le sait ! »

Dda Saa, le fils de Bachir (1856) et de Yamina Mama, le frère de Mohand chérif (Baba Hadj) (1887), de Saadi (1903), Mohand Seghir (1882), Larbi et Hadda (1898).Il est l’époux de Fatima Tachbanith (iguercif), avec qui il a eu six (6) enfants :

Deux (2) garçons, – Messaoud, un chahid né en 1935 et mort en 1958. – Madani. Et quatre (4) filles : – Halima – Rachda-Ghezala et Hadjila.

l.Ouali 2014 

mercredi 28 avril 2021

                                                              L'imam et le Hadj

Mohand chérif, dit, Baba El Hadj s'orgueillait d'être un bon pratiquant, lui qui a visité les lieux saints de l'islam, en empruntant les chemins difficiles à pied et à dos de mulets.

Il avait fait, de ce pèlerinage, un véritable défi à la nature, une aventure à travers déserts, montagnes et mers. Il avait passé presque une année entière à faire le voyage, qui fut long, laborieux et presque éternel.

Après ce long et dur périple, Baba El Hadj, finit par mettre pied-à-terre, en restant seul, dans sa demeure avec sa vieille épouse. Car tous ses enfants s'étaient envolés par leurs propres ailes, en empruntant, chacun son destin.

On est au neuvième mois lunaire, où l'abstinence est maitresse chez les croyants. Jeuner pendant le ramadan est un devoir pour tout musulman. Mais, cette nuit, le couple par malheur, s'est réveillé plus tard que d'habitude. Et le vieux, le visage las et somnolent se retourna vers sa femme en titubant.

- « Bon Dieu ! » dit-il

-« Il fait presque jour, prépare-nous vite à manger avant que le soleil ne se lève ».

 

En ce moment-là, il faisait encore noir. Il y avait seulement, un mince filet de lumière qui traversait les persiennes. Pris, de panique et par le temps en ce énième jour de ramadan, les deux vieillards ne s'attendaient guère à être en face d'une telle situation.

Ils décidèrent enfin, après moult hésitations et à la va-vite à prendre leur petit déjeuner (s'hor), tout en étant rangés par le doute vague et imprécis, accentué par l'absence de l'appel du muezzin.

Au lever du jour, à la fin de la prière de d'hor, Baba El Hadj se précipita hâtivement vers l'imam de la mosquée :

- « Me voici perdu » dit-il à l'adresse de l'imam ?

- « Qui est ce qui te fait perdre » répondit, l'imam à El-Hadj ?

Il se confessa en lui racontant l'histoire de bout en bout, dont l'espoir d'avoir de la compassion et de se débarrasser ainsi de la lourde charge, un chapelet de remords et de doute qui pesait sur sa conscience. L'imam, l'oreille attentive, finie par dire :

-« Écoute, Hadj :

- « Il semble que tu sois rangé par le doute et l'incertitude et il semble aussi que vous aviez été atteint par l'aube quand vous aviez décidé de manger. Par conséquent, en rompant le jeûne délibérément, vous avez rompu le pacte qui vous liait à Dieu ! »

Et l'imam continu sur un ton solennel :

-« Ne cherche point d'excuses, repens-toi devant Allah de cet acte prohibé, tu devras rattraper ton jeune, faire deux (2) mois successifs ou nourrir soixante pauvres, c'est l'expiation ».

Baba El Hadj lui coupa instantanément la parole et ajouta :

- « Écoute, cheikh !

-Il semble que vous aviez mal compris, il ne faisait pas encore jour, il y avait un soupçon de lumière, un semblant de clair de lune. Ma femme et moi avions observé scrupuleusement le jeune  et nous ne l'avions nullement rompu. »

- L'imam, d'un ton sec, répondit à Mohand Cherif :

-« Vous aviez été négligeant  et vous deviez vous repentir d'avoir agi comme vous l'aviez fait et Allah agrée le repentir de celui qui se repent ».

Baba El Hadj, loin d'abandonner la partie, insistait dans sa logique et revint à la charge,afin d'amener l'imam à plus de raisons et à plus de sympathie à son égard. Et ajouta :

- « Vous êtes sûr, cheikh, il n'y a aucune autre solution ? »

-« Sans aucun doute », répondit vivement, l'imam

En finalité, Baba El Hadj, sachant pertinemment qu'il ne pouvait tirer grand-chose. Désappointé, énervé, il s'est fait un plaisir immense à pousser l'exagération à son paroxysme, en s'adressant à l'imam de la sorte :

- « Toi qui n'as point d'oreilles ni de cœur à compatir aux maux d'autrui et pour te dire, le soleil était au zénith quand nous nous sommes réveillés ! ».

l.ouali 2014

 

La parabole du vert et du bleu, « ccah yahwa-yagh »

NB : Ce texte, par son contenu, va peut-être fâcher certains d’entre vous, qu’ils trouvent ici toute ma sympathie et ma b...