La maison isolée
Quand nous décidâmes tous ensemble(1) de construire cette maison ,isolée, en plein maquis d’igdhem, notre première pensée est allée vers nos grands-parents, aux morts et à l’ancien village de 35 maisons détruit en 1957 par l’armée coloniale.Une marque de respect, de gratitude et de reconnaissance pour leur héroïsme.
On a été unanimement d’accord pour ériger la maison au sommet du village, plus exactement à la place du « gourbi » de hadj Lakhder Bahmed encore debout. Il porte en lui une valeur historique, un symbole, un lieu spirituel, chargé d’émotions et de souvenirs, majestueux, sous le regard pesant du mont « Thilla ».
Car pour nous tous, ça reste un patrimoine, une richesse culturelle (matériels et immatérielle) appartenant à une communauté comme héritage du passé. Ce passé, un témoin de notre histoire et de notre identité.Il est également un bras de levier pour le développement économique et social, ses retombées sont énormes, et multiples . Ainsi, la conservation , la sauvegarde et la préservation d’un bien, permet de transmettre aux générations futures un patrimoine de valeur, viable économiquement, riche culturellement et respectueux de l’environnement.
Avec nos petites têtes distraites
sur les épaules, remplies de toutes ces idées, on commençait à réfléchir à
la manière la plus adéquate pour reconstruire la maison.
Car Guenzet, un site touristique à lui seul, une vraie dimension, du haut d’un prestigieux rocher qui culmine à 1200metres d’attitude, aux falaises vertigineuses, qui donnent du tournis aux plus téméraires, vaut à lui seul le déplacement. Et tout en bas, aux pieds du précipice, s’étale de tout son long, comme un collier de perles, les maisons accolées les unes aux autres, aux tuiles rouges, serpentées par des ruelles étroites et nombreuses, baignant dans une verdure de végétations luxuriantes.
Le pays de djeddi Yaala révèle toute sa splendeur et offre aux visiteurs tout son charme et toute sa beauté naturelle, ce paysage semblable à un nuage suspendu, se voit jusqu'à Ath wartiran.
Guenzet est, sans conteste, un très beau village d’Algérie. Riche en histoire et en patrimoine, les vieilles maisons en pierre, avec ses tuiles rouges et aux portes d’ébènes, fabriquées de mains de grands artisans de Ben Yala(2). Même si le béton a fait une grande percée comme partout ailleurs.Beaucoup de vieilles bâtisses, à Tanaqoucht, Lahdada, Bouzoulith et son satellite thadarth, à Aghdan Salah, Taourirt, Ighoudhane, Boudhelthen et j’en passe, ont gardé un indéniable cachet d’authenticité. Avec leurs toits, de tuiles noircies par le soleil, leurs vieilles pierres érodées par le temps, dans des ruelles étroites et sinueuses, au pavé en pierres taillées. Elles feraient sans aucun doute, une belle carte postale, le bonheur du peintre ou du photographe.Il faut admirer, entre autres trésors archéologiques, l’ancienne mosquée LAARAF, la plus pittoresque de toute, en plein centre du village, abandonnée depuis pour une autre à Ighil Laarbaa nouvellement construite. Ce joyau architectural qui a su traverser les siècles pour arriver jusqu’à nous possède un minaret qui se transformait parfois en une tour de guet pour les moudjahidines , construite par les maçons du village selon le style, maghrébin, berbère en totale harmonie avec la géographie et l’environnement du village., Il s’agit, probablement , de l’un des lieux de culte le plus original et mystique de la région.
Mais plus en avançait dans le projet, plus des questions nouvelles surgissaient, faut-il reconstruire la maison à l’identique, en pierre, en pisé, avec un toit en tuiles ? Reste-t-il encore des artisans maçons habiles, capables de tailler la pierre, des ferronniers et autres forgerons, des menuisiers, comme ceux d’autrefois, dont le savoir faire et la renommés vont au delà des limites de la région ?
Tandis que nous rêvassâmes davantage sur nos pensées les plus extravagantes, des voix, et pas les moindre s’élevèrent contre le projet, telle une nuée de sauterelles, ravageuses, menaçantes comme un ciel d’orage !avant même que nous ayons commencé le terrassement
Les voix de discorde et de jalousie se manifestèrent de tous les cotés, comme le vent qui souffle, tu entends sa voix, mais tu ne sais point d’où il vient, ni où il va !
Alors, pour ne pas envenimer les choses et pour ne pas rentrer dans des rivalités et de guerres intestines, nous décidâmes ,juste une poignée d’adhérents, de changer de lieu et d’aller vers une autre terre, pas loin , toujours à ighdem, la terre de Saïd Ouali dit Said Umaaza. elle offre les mêmes valeurs identitaires et spirituelles que le gourbi de djeddi Lakhder !après tout, les deux sont des aïeuls.
Ainsi, et dans ce lieu magique, Où il n'y a point de place aux fausses notes, où la mère nature excelle dans le sublime et la virtuosité ! Car le calme austère qui règne, n’est troublé que par le chant des oiseaux, et le bruissement du vent, le contraste est d’ailleurs plus frappant par rapport à la ville, étouffée par les embouteillages et les cohues humaines.au pied de la stèle des chouhada, prés de la route, au fin fond de la terre ancestrale, que commença l’une des plus belles aventure qui nous soient arrivées: Bâtir une maison de rêve à la mémoire de nos ancêtres !............
L.Ouali Novembre 2020