mercredi 13 juillet 2022

La parabole du vert et du bleu, « ccah yahwa-yagh »

NB : Ce texte, par son contenu, va peut-être fâcher certains d’entre vous, qu’ils trouvent ici toute ma sympathie et ma bienveillance. Je tiens à vous vous assurez que je n’ai aucune animosité envers mon village natal, loin de là, c’est plutôt, mon dévouement et l’amour, qui résident dans mon for intérieur qui me fait parler ainsi.
Hier, en cette fin de mois de mai, il a plu sur mon village. Un nuage, un Cumulus, porteur de pluie, d’orage et d’averse, annonciateur de mauvais temps, s’est égaré dans le ciel bleu de mon village. Une précipitation de grain de bonheur et de joie étale, alors, ses immenses traînées sur le sol desséché et les cœurs emprisonnés.
Puis d’un coup, le ciel s’est éclairci, plus bleu que jamais et la terre plus verte. Mon petit doigt me dit alors, que demain, et les jours suivants, ces deux couleurs, le vert et le bleu seront dominants sur tout mon village et même au-delà.
Le beau temps, qui cause une vive impression et suscite de l’admiration, sur les beaux visages des vieux et des vieilles, dans les esprits des jeunes de mon village, ne sera désormais que désolation et amertume. Ici, sur ce sol béni, avec ses montagnes, mamelons et valons, arrosé de sang de martyres, qui ne vit que par son identité et sa beauté, ne sera pas aussi bleu et vert qu’autrefois. Et pourtant, le vert, couleur d’espérance, caractérisée par la vitalité et l’abondance. Le tiède printemps, la verte saison, qui met du baume au cœur et de la sève à l’esprit. Il est également de paix et d’harmonie. Ne dit-on pas que dans la nuit, les bois sont noirs, là où se meurt l’espoir vert quand se lève le jour ! Ne dit-on pas que le bleu symbolise le rêve, l’idéal. C’est l’eau claire, limpide et profonde. Ce bleu, que je retrouve dans le sourire, dans les yeux, dans le regard, de chaque montagnard, avec une nuance de naïveté et de bravoure.
Et quand vient un temps, un autre temps, lorsque la pluie laisse trop de vert et de bleu. Quand le vert nature, est remplacé par les casques verts, bérets verts, hommes verts, ou hommes kakis, le vert, devient alors, poison, réprimande, dur et sans ménagement. Un repère rassurant, mais aussi objet répressif, le costume de la violence légitime !
Quand le bleu nature, vire au rouge, devient, un barrage, un stop à tous les coins de rues, remplacé par des hommes en bleu avec un semblant de vœu à la Vierge Marie ! Quand le bleu de l’horizon devient un bâton pastoral, le bleu vire au traumatisme, il génère un semblant de sécurité et d’endormissement.
Depuis la nuit des temps, notre vert, notre bleu n’a été qu’espérance et libération, qu’est-ce qu’un montagnard ? c’est une montagne qui brave le vent, l’ouragan et la foudre ! Le nid ou naissent les rameaux de liberté et de l’insoumission . Il aime et vit au grand air et c’est héréditaire. Il ne peut pas être autrement, il est fier d’être à son tour, fils et petit fils de montagnard.
Ne croyez jamais à ce que vous voyez, les mirages sont trompeurs car, on veut vous faire croire à tout prix, que ce que vous voyez avec vos yeux grands ouverts n’est pas du tout ce qu’eux voient ! Ils dirigent insidieusement votre regard là où ils le désirent. Ils ont toute la capacité et le loisir de faire le beau et le mauvais temps.
Mon pays natal a évolué en régressant ! Voyez-vous, les routes existaient depuis 1920, la poste aussi, l’état civil depuis 1890, Guenzet comptait 30,000 habitants avec son dispensaire, son infirmier et son marché hebdomadaire, ses écoles pour garçons et filles, depuis 1954 ! alors qu’à présent, il peine à compter 2500 habitants ! ni hôpital, ni usine, ni banque, ni culture, ni sports, ni moyens de formation digne de ce nom. Des bâtiments, plutôt des cages à poules, se dressent comme une plaie béante, déformant hideusement le paysage urbain. À l’intérieur s’entassent pêle-mêle, et se couvent insidieusement, les révoltés, les anti-conformistes, les valets du régime et les fossoyeurs de l’identité.
Chez moi, dans mon pays natal, on ne parle plus la langue des ancêtres, les enfants et mème les adultes, surtout ceux qui viennent des grandes villes, ne font aucun effort pour parler et faire parler leurs enfants en kabyle! Sans enseignement, cette langue pourrait disparaître et avec elle disparaîtra notre culture . Parler plusieurs langues, oui, mais parler la sienne, c’est mieux.
Et pourtant, jadis, Guenzet était le bastion de la révolution et un centre névralgique, commerciale et économique de toute la région, aujourd’hui, le pari est perdu, et l’espoir anéanti. Même, nos naissances sont enregistrées à Harbil et notre approvisionnement se fait à Béni Ourtilane  ou à Zemmoura !
À Guenzet, il n’y a plus de boulangerie, ni boucherie permanente, moins de dentiste, s’il arrive qu’on ait une rage de dent, il faut prendre son mal en patience et attendre le lever du jour pour aller 40 kilomètres plus loin, là où la civilisation est présente.
Et j’emprunte volontiers cette expression d’un chanteur : Quel est ce montagnard qui mange à sa faim ? son potager, c’est le marché, son bois, la bouteille de gaz, sa chèvre, c’est le sachet de lait ! pourvu qu’il y ait de l’argent !
Et pourtant, ce n’est ni les moyens, ni les compétences qui manquent ! Guenzet est jalousée pour ses hommes et femmes, de grandes notoriétés et d’une richesse scientifique, artistique, reconnue par tous. Mais comme dit l’adage : « nul n’est prophète en son pays ». Mon pays natal ne reconnaît pas les siens !
Demain, mon village, mon beau village, mon port d’attache, ne sera qu’un agglomérat de maisons, de personnes, de simples coquilles vides de toute identité et du repaire ancestral.
J’ai du mal, de la tristesse,
De l’émotion pour mon pays,
Mon pays, bleu et vert,
Pauvre comme ses trésors,
ingrat comme un souci,
Froid comme la mort.
En quoi mon village a évolué ? Tout simplement dans le vert et le bleu !
Ce jour-là, le jour de mon départ, debout sur le perron de la montagne qui domine mon village qui s’étale comme un collier de perles, loin de tout, blotti entre montagnes vertes et ciel bleu. Après la pluie, j’ai vu beaucoup de vert et de bleu. Des bleues et des vertes, de toutes couleurs ! Et mème des vertes et des pas mûrs.
Ce jour-là, j’ai perdu toute notion de couleur, et à force de voir, du vert et du bleu, désormais, je suis devenu daltonien.
Nous sommes tous, responsables de cet état de chose, les intellectuels marginalisés, les bonnes intentions et honnêtes banalisées, on proclame la gloire autrui, en oubliant les siens, on légitime les autres cultures contrairement à notre vœu.
Et le comble dans tout ça, quand on le crie à tue-tête, ma communauté me répond : « ccah yahwa-yagh ! ».
L.Ouali in mai 2022,

jeudi 24 février 2022

Le petit potager de ma mére !

De son vivant, ma défunte mère avait un carré potager, un petit coin de jardin réservé à la culture de légumes et certains fruits .
Elle l’a aménagé dans la maison nouvellement construite. Une manière de s’occuper ; remplir son temps libre, mais aussi en souvenir à ce qu’elle était avant, quand elle fut paysanne, le lien ombilical qui la liait à la terre. Elle aimait ardemment bêcher, biner et retourner la terre quand le soleil rasait les murs. Planter et arroser faisaient alors sa grande joie. Dans ce petit carré bien entretenu, bien rempli, bien labouré, se formaient par miracle des plaques brunes et verdoyantes de succulents légumes et fruits, tomates, poivrons, haricots, laitues, radis et même parfois des fraises ! Entourés de deux figuiers, une vigne ! Elle avait aussi des poules, une souche locale ; douces à plumages variés. Avec leurs crêtes rouges bien visibles. Ces drôles de dames à l’allure rigolote, qui aiment gratter la terre, Libres de leurs mouvements, elles pondaient leurs œufs n’importe où. D’ailleurs les pontes se faisaient directement sur le sol ; dans des nids non identifiés ; sous la bétonnière, dans un tas de bois, dans des touffes d’herbe ! Ces poules peureuses et mouillées, nous ont bien régalés avec leurs produits très protéinés, le jaune bien brillant et d’un agréable goût. Les enfants ont tous profité de cette manne et ma mère en mangeait deux chaque matin ! Dans ce beau monde de volaille, trônait en maître incontestable un bel animal, robuste et intouchable. Le roi de la basse-cour, le coq la crête bien rouge, barbillons de plumes aux couleurs chatoyantes, mais agressif, surtout au printemps. Un véritable chien de garde. Il attaquait tout inconnu qui osait pénétrer sur son territoire ! Mais bizarrement, jamais ma mère ! Il est recommandé de faire attention aux yeux et aux talons, car ses éperons sont particulièrement dangereux Le comble ! Les visiteurs s’annonçaient à grands cris avant de rentrer de peur de rencontrer le vilain coq ! Le pauvre gallinacé n’a pas survécu, il a fini par passer par le fil de lame aiguisée de la main du frangin, car il avait pris pour cible son fils âgé alors de sept ans. Et pour combler le vide laissé par le blanc-bec, il est vite remplacé par un vrai chien « Babah » qui est resté fidel jusqu’à sa mort. Il y avait aussi cette bête magnifique, « Biquètte », avec sa barbichette, une chèvre drôle et savante. Ramenée du bled, elle s’est vite adaptée à son nouvel environnement. Elle n’était pas du tout avare, elle nous offrait gracieusement son produit. Dans tout le voisinage, il n’y avait pas un enfant, un malade, un proche qui n’a pas été abreuvé par son produit riche en calcium et phosphore. Et nous, on n’achetait presque jamais, ni lait, ni poudre de lait. Elle venait bégueter sous la fenêtre chaque fois qu’elle avait faim. Parfois, elle venait s’asseoir à côté de ma mère, quand celle-ci entamait une discussion avec la voisine d’en face. Tandis que les deux dames gesticulaient de tout et de rien, la Biquètte faisait de même en mâchant constamment ! Comme si elle les accompagnait dans leur discussion. Elle était mignonne et sage, elle est morte juste après la mort de notre voisine. Trop peinés par sa perte, on l’a enterrée sous le vieux chêne à côté du jardin. Il avait également deux oies rustiques, bien grâces et grasses. Bonnes vigiles, avec leurs cris stridents, elles cacardaient si fort qu’on les entendait à mille lieux. On a bien profité de leurs œufs sans jamais profiter de leur chaire, car elles sont mortes d’obésité. Les pauvres anatidés, elles étaient tellement grossières et charnues qu’elles ne pouvaient se déplacer ! Pour son jardin, ma mère trouvait en la bouse de vache, le fumier de volaille et de chèvre, un simple et excellent engrais. Elle l’étalait dans un coin de son potager et le laisse sécher pendant plusieurs mois, voire des années et y ajoutait au fur et à mesure les feuilles mortes et déchets des arbres. Les récoltes étaient alors plus abondantes et les plantes plus saines. En été et pendant les grandes chaleurs, quand les plantes arrivaient à maturité avec leurs fruits bien fermes et juteux on reconnait alors les personnes à leurs œuvres et les choses à leurs résultats. Avoir la certitude de jouir du fruit de sa terre, de son labeur ; n’était-il pas les plus puissants encouragements qu’on puisse trouver à les faire valoir ? Le piment, le poivron, associés à l’aubergine et à la tomate représentaient les carrés les plus appréciés. Ces plantes, allongées, rondes, de couleurs diverses, du vert au rouge sang ! Aux grappes de tomates suspendues par leurs nombrils offraient aux visiteurs et aux amoureux de la nature, une belle œuvre picturale ! Mon défunt oncle y trouvait son bonheur. Durant tout l’été et pendant les grandes vacances, il ne consommait que poivrons et tomates, cueillis et choisis minutieusement par ses soins. Le piment ou le poivron de couleur verte, grillé sur la braise avec des tomates, ensuite le tout est pilé, écrasé et généreusement arrosé avec de l’huile d’olive. Servi avec une galette toute chaude, était son met de choix. C’est une salade qui constitue en été comme en hiver un plat principal qui se dégustait à tout moment. C’est à partir de là que ma mère nous faisait aussi des conserves et des plats pour l’hiver. Sauce tomate maison, tomates, poivrons et légumes farcis surgelés. On les retrouvait avidement en hiver lorsque les étales du marché étaient aussi sombres que le ciel d’hiver ! Nos mères, nos grands-mères, en bonnes apothicaires, elles savaient doser, mesurer les ingrédients. Elles donnaient le goût du jardin à nos plats, une surprise à chaque bouchée, saveur et mélange savant du goût, texture, de la bonne cuisine d’autan ! Ah ! Nostalgie quand tu nous tiens ! Lyazid Ouali janvier 2022

vendredi 30 avril 2021

                  Le vieillard et l’âne roux

Saïd Bahmed, dit Dda Saa, le naïf des Bahmed, le simpliste, le confiant par excès  qui se laisse facilement tromper. Celui qui dit sa pensée avec ingénuité et sans détour, du genre je-m’en-foutiste, laxiste et indifférent. Un gros garçon amorphe et acariâtre.

Le temps où il allait aux champs à tout moment, tout en sachant qu’il n’y était pas autorisé par l’administration française .Il lui arrivait quelquefois de traverser normalement avec dédain, sans aucun scrupule  le barrage de l’armée. D’autres fois en le contournant, afin de rejoindre son verger avec son âne de couleur rousse, pour s’adonner à son activité.

Dda Saïd était bien visible, sur son bourricot, à partir de la tourelle, le poste de garde, située à « Iharkan », actuelle maison des Abderahmane.

Celle-ci, avec sa hauteur, elle dominait tout le village du côté sud, et toute l’étendue du  vaste maquis jusqu’à l’horizon, là où la terre et le ciel semblent se rejoindre.

Ce personnage, bizarre, un givré de la tête, pour les uns, un bouffon et un fada pour les autres, mettait tout le monde en effroi. Et nul au village ne comprenait quelque chose à l’attitude et le manège étrange du vieillard.

Le débridé, s’en fichait éperdument, autant, pour son âne qui n’en avait rien à braire que pour les gens du village qu’ils le regardaient d’un œil suspicieux et douteux.

Il se moquait de tout le monde et en premier lieu de la soldatesque française, auxquels il faisait de discrets pieds de nez à chaque passage.

Les villageois avaient beau essayer de le ramener à la raison, afin de cesser de défier les militaires.Du moins à le convaincre de changer d’itinéraire, où de se désolidariser de son âne roux.

À ces paroles, le vieillard n’avait point d’oreille, il n’écoutait que sa tête et ce que lui dictait sa conscience.

Chaque jour, il frôlait la mort un peu plus, en traversant le barrage sans se soucier un seul instant de la présence militaire, jusqu’à ce que, son fils excédé, et affolé, l’approchât :

- « Écoute, »  père !

- « Par  ta façon d’agir, tu défis es militaires.



 

Tu   n’es guère à l’abri d’une mauvaise surprise.



 

Surtout, avec ton âne, bien visible, tu es une cible facile.les soldats peuvent te tirer dessus, à n’importe quel moment. Sois raisonnable, et évite de te rendre aux champs, en dehors des jours autorisés ».

D’un ton négligeant, et trainant Dda Saa, répondit:

- « Ne t’en fais pas mon fils, ils ne me voient pas ! »

 

Le fils, un peu toqué par une telle réponse :

 

- « Comment çà ! Ils ne te voient pas ? » 

Répond le fils avec intonation et stupéfaction.

 

-« Et ton âne  , sa couleur éclatante, il trahit ta présence, et c’est tellement évident que vous paraissez comme un nez au milieu de la face. »

Dda Saa s’empresse de calmer son fils :

-« Ne t’emportes  pas mon fils ! Reste calme ».marmotte-il

-« Sache qu’à chaque fois que je traverse le barrage, ou que je sois visible de loin, je m’en remets toujours à Dieu, en récitant ce verset  Coranique »,

Qui dit :(Sourate ya Sin).- « Nous les avons enfermés entre deux murs, d’un voile, nous les avons enveloppés, devenus aveugles, ils ne voient pas ».

Extraordinaire, Dda Saïd !quelle confiance !quelle piété ! Car, ce  qui est étonnant, voire déconcertant, c’est que Dda Saa n’a jamais été iniquité.

C’est toujours lui, durant la révolution, sur le chemin du retour, vers son domicile, Dda Saa fit la rencontre d’un groupe d’hommes armés, de peur d’être tombé sur un groupe d’assimilés, il leur tint à peu près ce langage :

- « De visages, vous êtes des frères, de cœur, Dieu seul le sait ! »

Dda Saa, le fils de Bachir (1856) et de Yamina Mama, le frère de Mohand chérif (Baba Hadj) (1887), de Saadi (1903), Mohand Seghir (1882), Larbi et Hadda (1898).Il est l’époux de Fatima Tachbanith (iguercif), avec qui il a eu six (6) enfants :

Deux (2) garçons, – Messaoud, un chahid né en 1935 et mort en 1958. – Madani. Et quatre (4) filles : – Halima – Rachda-Ghezala et Hadjila.

l.Ouali 2014 

mercredi 28 avril 2021

                                                              L'imam et le Hadj

Mohand chérif, dit, Baba El Hadj s'orgueillait d'être un bon pratiquant, lui qui a visité les lieux saints de l'islam, en empruntant les chemins difficiles à pied et à dos de mulets.

Il avait fait, de ce pèlerinage, un véritable défi à la nature, une aventure à travers déserts, montagnes et mers. Il avait passé presque une année entière à faire le voyage, qui fut long, laborieux et presque éternel.

Après ce long et dur périple, Baba El Hadj, finit par mettre pied-à-terre, en restant seul, dans sa demeure avec sa vieille épouse. Car tous ses enfants s'étaient envolés par leurs propres ailes, en empruntant, chacun son destin.

On est au neuvième mois lunaire, où l'abstinence est maitresse chez les croyants. Jeuner pendant le ramadan est un devoir pour tout musulman. Mais, cette nuit, le couple par malheur, s'est réveillé plus tard que d'habitude. Et le vieux, le visage las et somnolent se retourna vers sa femme en titubant.

- « Bon Dieu ! » dit-il

-« Il fait presque jour, prépare-nous vite à manger avant que le soleil ne se lève ».

 

En ce moment-là, il faisait encore noir. Il y avait seulement, un mince filet de lumière qui traversait les persiennes. Pris, de panique et par le temps en ce énième jour de ramadan, les deux vieillards ne s'attendaient guère à être en face d'une telle situation.

Ils décidèrent enfin, après moult hésitations et à la va-vite à prendre leur petit déjeuner (s'hor), tout en étant rangés par le doute vague et imprécis, accentué par l'absence de l'appel du muezzin.

Au lever du jour, à la fin de la prière de d'hor, Baba El Hadj se précipita hâtivement vers l'imam de la mosquée :

- « Me voici perdu » dit-il à l'adresse de l'imam ?

- « Qui est ce qui te fait perdre » répondit, l'imam à El-Hadj ?

Il se confessa en lui racontant l'histoire de bout en bout, dont l'espoir d'avoir de la compassion et de se débarrasser ainsi de la lourde charge, un chapelet de remords et de doute qui pesait sur sa conscience. L'imam, l'oreille attentive, finie par dire :

-« Écoute, Hadj :

- « Il semble que tu sois rangé par le doute et l'incertitude et il semble aussi que vous aviez été atteint par l'aube quand vous aviez décidé de manger. Par conséquent, en rompant le jeûne délibérément, vous avez rompu le pacte qui vous liait à Dieu ! »

Et l'imam continu sur un ton solennel :

-« Ne cherche point d'excuses, repens-toi devant Allah de cet acte prohibé, tu devras rattraper ton jeune, faire deux (2) mois successifs ou nourrir soixante pauvres, c'est l'expiation ».

Baba El Hadj lui coupa instantanément la parole et ajouta :

- « Écoute, cheikh !

-Il semble que vous aviez mal compris, il ne faisait pas encore jour, il y avait un soupçon de lumière, un semblant de clair de lune. Ma femme et moi avions observé scrupuleusement le jeune  et nous ne l'avions nullement rompu. »

- L'imam, d'un ton sec, répondit à Mohand Cherif :

-« Vous aviez été négligeant  et vous deviez vous repentir d'avoir agi comme vous l'aviez fait et Allah agrée le repentir de celui qui se repent ».

Baba El Hadj, loin d'abandonner la partie, insistait dans sa logique et revint à la charge,afin d'amener l'imam à plus de raisons et à plus de sympathie à son égard. Et ajouta :

- « Vous êtes sûr, cheikh, il n'y a aucune autre solution ? »

-« Sans aucun doute », répondit vivement, l'imam

En finalité, Baba El Hadj, sachant pertinemment qu'il ne pouvait tirer grand-chose. Désappointé, énervé, il s'est fait un plaisir immense à pousser l'exagération à son paroxysme, en s'adressant à l'imam de la sorte :

- « Toi qui n'as point d'oreilles ni de cœur à compatir aux maux d'autrui et pour te dire, le soleil était au zénith quand nous nous sommes réveillés ! ».

l.ouali 2014

 

vendredi 27 novembre 2020

 

                               La maison isolée

Quand nous décidâmes tous ensemble(1) de construire cette maison ,isolée, en plein maquis d’igdhem, notre première pensée est allée  vers  nos grands-parents, aux morts et à l’ancien village de 35 maisons détruit en 1957 par l’armée coloniale.Une marque de respect, de gratitude et de reconnaissance pour leur héroïsme.

On a été unanimement d’accord pour ériger la maison  au sommet du village, plus exactement à la place du  « gourbi » de  hadj Lakhder Bahmed  encore debout. Il porte en lui une valeur historique, un symbole, un lieu spirituel, chargé d’émotions et de souvenirs, majestueux, sous le regard pesant du mont  « Thilla ».

Car pour nous tous, ça reste un patrimoine, une richesse culturelle (matériels et immatérielle) appartenant à une communauté comme héritage du passé. Ce passé, un  témoin  de notre histoire et de notre identité.Il est également un bras de levier pour le développement économique et social, ses retombées sont énormes, et multiples . Ainsi,  la conservation , la sauvegarde et la préservation d’un bien, permet de transmettre aux générations futures un patrimoine de valeur, viable économiquement, riche culturellement et respectueux de l’environnement.

Avec nos petites têtes  distraites  sur les épaules, remplies de  toutes ces idées, on commençait à réfléchir à la manière la plus adéquate pour reconstruire la maison.

Il faut dire que chez les Yaalaouis, se perpétue une tradition de bâtisseurs, de père en fils, un art et un savoir faire hérités des lointains ancêtres et qui remonte à  des siècles .Toutes les mosquées,toutes les fontaines et autres maisons  renferment en elles, une leçon d’architecture typiquement berbère. On n’avait alors, aucun droit à négliger cette particularité unique, il faut la préserver à tout prix.

Car  Guenzet, un site touristique  à lui seul, une vraie dimension, du haut d’un prestigieux  rocher qui culmine à 1200metres d’attitude, aux    falaises vertigineuses, qui  donnent du tournis aux plus téméraires, vaut à lui  seul le déplacement.  Et tout en bas, aux  pieds du précipice, s’étale de tout son long, comme un collier de perles, les  maisons accolées les unes aux autres, aux tuiles rouges, serpentées par des ruelles étroites et nombreuses, baignant dans une verdure de végétations luxuriantes.

Le  pays de djeddi Yaala révèle toute sa splendeur et  offre aux visiteurs  tout son charme et toute sa beauté naturelle, ce  paysage semblable à un nuage suspendu, se voit  jusqu'à Ath wartiran.

Guenzet est, sans conteste, un très  beau village d’Algérie.  Riche en histoire et en patrimoine, les  vieilles maisons en pierre, avec ses tuiles rouges et aux portes d’ébènes, fabriquées de  mains de grands artisans de Ben Yala(2). Même si le béton a fait une grande percée comme partout ailleurs.Beaucoup de  vieilles bâtisses, à Tanaqoucht, Lahdada, Bouzoulith et son satellite thadarth, à Aghdan Salah, Taourirt, Ighoudhane, Boudhelthen  et j’en passe, ont gardé un indéniable cachet d’authenticité. Avec leurs toits, de tuiles noircies par le soleil,  leurs vieilles pierres érodées par le temps, dans des  ruelles étroites et sinueuses, au pavé en pierres taillées. Elles feraient sans aucun doute, une belle carte postale, le bonheur du peintre ou du photographe.

Il faut  admirer, entre autres trésors archéologiques, l’ancienne  mosquée LAARAF, la plus pittoresque de toute, en plein centre du village, abandonnée depuis pour une autre à Ighil Laarbaa nouvellement construite. Ce joyau architectural qui a su traverser les siècles pour arriver jusqu’à nous possède un minaret qui se transformait parfois en  une tour de guet pour les moudjahidines , construite par  les maçons du village selon le style, maghrébin, berbère en totale harmonie  avec la géographie et l’environnement  du village., Il s’agit, probablement , de l’un des lieux de culte le plus original et mystique de la région.

Mais plus en avançait dans le projet, plus des questions nouvelles surgissaient, faut-il reconstruire la maison à l’identique, en pierre, en pisé, avec un toit en tuiles ? Reste-t-il encore  des artisans maçons habiles, capables de tailler la pierre, des ferronniers et autres forgerons, des menuisiers, comme ceux d’autrefois, dont le savoir faire et la renommés  vont au delà des  limites de la région ?

Tandis que  nous rêvassâmes davantage sur nos pensées les plus extravagantes, des voix, et pas les moindre s’élevèrent contre le projet, telle une nuée de sauterelles, ravageuses, menaçantes comme un ciel d’orage !avant même que nous  ayons commencé le terrassement 

Les voix de discorde et de jalousie se manifestèrent de tous les cotés, comme le vent qui souffle, tu entends sa voix, mais tu ne sais point d’où il vient, ni où il va !

Alors, pour ne pas envenimer les choses et pour ne pas rentrer dans des rivalités et de guerres intestines, nous décidâmes ,juste une poignée d’adhérents, de changer de lieu et d’aller vers une autre terre, pas loin , toujours à ighdem, la terre  de Saïd Ouali dit Said Umaaza. elle offre les mêmes valeurs identitaires et spirituelles  que le gourbi de djeddi Lakhder !après tout, les deux sont des  aïeuls.

Ainsi, et dans ce lieu magique, Où il n'y a point de place aux fausses notes, où  la mère nature excelle dans le sublime et  la virtuosité !  Car le calme austère qui règne, n’est troublé que par le chant des oiseaux, et le bruissement du vent, le contraste est d’ailleurs  plus frappant par rapport à la  ville, étouffée par les embouteillages et les cohues humaines.au pied de la stèle des chouhada, prés de la route, au fin fond de la terre ancestrale, que commença l’une des plus belles aventure qui nous  soient  arrivées: Bâtir une maison de rêve à la  mémoire de nos ancêtres !............

L.Ouali Novembre 2020

 



 

 

La parabole du vert et du bleu, « ccah yahwa-yagh »

NB : Ce texte, par son contenu, va peut-être fâcher certains d’entre vous, qu’ils trouvent ici toute ma sympathie et ma b...