Dda Abdallâh
la Mascotte
– Abdallah, le fou du
village, une figure qui alimentait l’imaginaire collectif, car autrefois, un
village n’en était pas un s’il ne possédait pas son propre fou !, et
Abdallah, en est la mascotte du régiment, et un personnage essentiel qui
rythmait la vie au village.
Si les villageois
pouvaient rire, et s’amuser de ses histoires comme bon leur semble, il n’en est
pas de même pour les étrangers qui ne pouvaient pas se payer sa tête, car si
les inconnus se moquaient de lui, c’est comme s’ils se moquaient de tout le
village.
Au village, on
l’appelait « Abdallâh Bou chek chouken » (celui qui ramassait les pièces
usées). Tout le monde le connaissait, et tout le monde était son ami, le
collectionneur de babioles, gros et petit, de toutes sortes et en tenue
spéciale pour la circonstance, burnous, gandoura, coiffé d’une chéchia décorée
par les meilleurs objets ramassés, et équipé d’un instrument en guise d’arme en
bandoulière
Tôt le matin, il
parcourait le village, de long en large à travers ses ruelles et recoins bien
particuliers tels les cafés et le dépotoir « aghoudi ledjmaa », à la
recherche de bricoles de toutes natures, mais il jetait son dévolu sur les
pièces métalliques et les objets tordus, surtout les capsules de bouteille de
soda, qu’il rafistolait, et redressait chez son ami le forgeron du village
Hakim uchergui, ensuite il confectionnait des accessoires fabuleux comme les
porte-clés et des boucles d’oreilles, qu’il épinglait sur ses vetements.il
trouvait un attachement presque pathologique à ces objets qui aux yeux des
autres n’avaient aucune valeur, fasciné, et attiré par une pulsion
irrépressible, un appétit insatiable d’acquisitions, et de trouvailles, tout se
passait comme si, entre ses mains, l’objet prenait une autre dimension et
devenait vivant, animé et aimé, avec qui, il établissait un rapprochement et
une identification étroite et exclusive qu’avec n’importe quel être
humain.
Abdallah, qui a passé
toute sa vie à collectionner ces choses concrètes perceptibles, et fantaisistes
chers à ses yeux. Il faut voir l’excitation et l’émotion, qu’il dégageait à
chaque fois qu’il tombait sur un objet peu ordinaire un véritable comportement
amoureux, voire névrotique qu’il faut aller rechercher probablement dans la
petite enfance, où le pouvoir de l’objet transitionnel qui lui permettait de
soulager sa peur de la solitude.son gout pour les objets contrebalançait les
traumatismes d’une enfance sans amour.et pour contrecarrer ce manque, ses
sentiments se portaient sur un objet fétiche.
Dda Abdallah Nith Ammar,
était un homme solitaire, qui vivait dans son monde à lui, sans déranger
personne, et sans jamais vivre loin des siens, à l’époque les gens refusaient
d’enfermer les fous, pour des raisons religieuses, de dignité, de moyens et
leur intégration au sein de la collectivité était considérée comme
thérapeutique.
Il faut dire, qu’en ces
temps-là, presque chaque famille, ou dans chaque hameau, il avait un fou en son
sein, Abdallah Nith Ammar, Abderrahim UAbbas et L’Bachir Nith Bahmed à
Tanaqoucht, Si-Smail à Lotta n’souk, et bien d’autres qui hantaient de jour
comme de nuit, les villages environnants.
Ces personnages
psychologiquement perturbés, qui ont perdu la raison, les exclus de la société,
ceux-là qui entendaient des voix, que personne n’entendait et voyaient ce qui
n’existe pas, parlaient un discours en rupture avec la norme. Leur intégration
dans la société est synonyme de réactions tantôt cruelles, tantôt protectrices,
car ils restaient la marginalisation de ceux qui sont bizarres, la peur de
l’étrange, sœur de la différence, et dans certaines mesures, on leur reconnaît
l’innocence, ces personnages particuliers ravis, les simplets, les innocents du
village.
Ces gens qui ont perdu
l’esprit, ces personnages mythiques qui occupaient un rôle central dans la
population, ils jouaient le rôle ingrat, bien que nécessaire, ils étaient le
repère de la normalité des gens du village, et qui les rassuraient qu’ils
étaient bel et bien sains d’esprit, depuis que ces laissés pour compte, ont mis
les pieds dans les hôpitaux psychiatriques, la folie n’existe plus, elle
s’était transformée en maladie.
Notre professeur de
médecine en plaisantant nous disait que le premier patient d’un psychiatre
c’est lui-même et Freud considérait que personne n’est entièrement normal.
Un jour, un des neveux
d’Abdallah, Nadir, voulant lui faire la morale, en lui reprochant son attitude
obsessionnelle à ramasser des frivolités, il répondit de façon
nonchalante et empreinte de sagesse : « on ne siffle pas, à
quelqu’un qui a soif ! » Pour dire et signifier à l’autre et à tous
que le mal est tellement profond et qui réside dans un besoin, un besoin
naturel et vital : l’amour qu’il n’avait jamais eu durant son enfance.lui
qui aimait réciter la phrase :« Iwallah, iwallah,
dadakh Abdallah ».
Abdallah était le
premier époux de Tassadit Nith Bahmed, avant qu’elle divorce, et prit un second
conjoint, son cousin, Amar (Dda Mara) Nith Bahmed. Le père du défunt Abdelkrim
l’électricien, et Hamid le chauffeur de taxi.
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