samedi 14 mars 2015

DDA BEZZA N'QAOUECHE (Zouaoui Meziane)

                                           « L’ICÔNE DU VILLAGE » 
 

Dda Bezza n’Quaouéche, de son vrai nom, Zouaoui Mohand Meziane né le 26 juin 1909 à Ikhlidjene Ith Yaala en  basse Kabylie.

Fils d’Ahmed et de Tassadit Bouleknadil, originaire du village d’Aghelad N’Salah (Le tas de pierres qui délimite la propriété de Salah).

 Marié à deux femmes, la première Dahbia Guerbaz, d’une famille de Bouzoulith ;  décède après avoir donné naissance à l’unique fils Amar.

 Sa seconde épouse est Abderrahmane Chérifa, née en 1924  et meurt à son tour en 2008.

 De cette dernière union naissent neuf (9) enfants : six garçons et trois filles. (Mohand Uidir – agriculteur) – Mustapha (enseignant) – Bachir (chauffeur) – Nacer (commerçant) – Rabah (fellah) – Saadi (commerçant) – Ghania-H’lima-Merbouha.

De l’école, il ne connaît que l’école de la vie, il savait à peine lire et écrire.

Commerçant de son état, il avait passé      toute sa vie sur les routes à voyager à pied et à dos de mulets.

Son nom s’est répandu à travers tous les villages et les hameaux d’Ith Yaala.

Aux villages plus lointains de Bouhamza à El main. D’Ith Chebana à l’Djemaa nith Ouerthiran en passant par Ith Hafed  jusqu’à du côté de Seddouk,Tazmalt et Akbou.

 

Marchand de bestiaux, d’huile d’olive, de burnous et de couvertures traditionnelles confectionnés à la maison .

Un homme curieux, perspicace, doté d’une intelligence efficace et d’un sens aigu des affaires.

Un homme convaincu et convaincant. Il a fait du commerce et le travail de la terre ses raisons d’être.

En effet, chez lui, les relations entre le commerçant et le client ne sont pas seulement des relations de vendeur à acheteur mais avant tout des rapports de voisinage , d’amitié quand il ne s’agit pas de parenté. On se connait et on est constamment en relation.

Quant à la terre, c’est une relation d’amour et de respect mutuel.

Locataire d’un magasin de vente d’objets d’artisanat traditionnels à Lotta n’Souk, repris  depuis sa mort par le plus jeune de ses fils Saadi.

Tout le monde connaît Dda Bezza à son tour, il connaît tout le monde. Car là où il passait comme un semeur de graines, il semait la bonne parole : une anecdote par ci ; une maxime ou une sagesse de terroir par là.

Transmisses depuis de bouche-à-oreille et d’une génération à une autre jusqu’à ce jour .  

 

Celui qui disait à peu près ceci :

 - « si » et « quand » étaient plantés, il ne poussera « rien ». 

Autrefois, lorsque l’olivier et le figuier prospéraient et à eux seuls, ils nourrissaient des villages entiers.

L’agriculture, l’apiculture, l’oléiculture,  l’élevage et le tissage faisaient vivre une foule de professions artisanales : l’orfèvrerie, la poterie, le tapis, la sculpture sur bois, ouvriers agricoles, maréchaux-ferrants,  fagotiers, bucherons, bergers, maçons, charpentiers, commerçants ; ce temps-là, le village était telle une ruche joyeuse.

Maintenant, la plupart des montagnards méprisent le travail  de la terre ; ils iront volontiers travailler à la ville à la recherche de la fortune.

Alors que les citadins refusent de s’établir à la campagne, mais reviennent aux villages pour remplir les cimetières.

      Dda Bezza était un travailleur audacieux, fort bon en négoce et en affaires. Il partait pour des jours, voire des semaines. De souk en souk et d’un village à un autre en  vendant et en troquant sa marchandise.

      De d’huile d’olive, de figues sèches,  d’animaux domestiques, de couvertures tissées à la main et de  burnous Blancs à base de laine très fine. Il ne rentrait chez lui qu’une fois celle-ci épuisée.

    Beaucoup de gens aimaient l’avoir comme compagnon, car avec lui les distances semblaient plus courtes, les routes plus sures et moins contraignantes et la vie gaie et radieuse.

     L’écouter parler avec virtuosité des heures entières sans jamais se lasser procure une sensation de  plaisir à  l’ouïe et au  cœur.

      Des histoires qu’il avait vécues ou entendues tout au long de ses voyages à travers toute la région de la basse Kabylie.

      Des histoires pleines de sens et riches en enseignements. Celui   qui disait en parlant de la marche :

- « Si les gens s’usaient, j’en serais arrivé aux genoux ! ».

      Même l’imam, terme qui veut dire diriger ou être devant. Personnalité religieuse très importante au sein de la communauté villageoise. Car il assure l’unité et l’harmonie   en retour, il a droit au respect et la considération. 

      Le cheikh se méfiait et s’offusquait même des réponses de Dda Bezza. Il  ne s’aventurait pas trop à lui faire des remarques de peur d’être ridiculisé devant les fidèles.

      Depuis le jour où le cheikh avait osé devant un parterre de pratiquants, lui reprochant  ses absences répétées à la prière du matin et que Dda Bezza lui répondit avec dédain :      

- «Il faut de temps à autre faire plaisir à l’autre » .  il faisait référence au diable.

Depuis, tout le monde prenait peur et personne   n’osait entreprendre ni à se hasarder à lui dire  de tels propos périlleux.

On ne rendra jamais assez hommage à cet homme plein de vertus et de sagesse.

On lui doit respect  et  reconnaissance .

Une figure emblématique de toute la région. Le forgeron des mots, celui qui adoucit les maux avec les mots et qui ajoutait toujours une touche d’élégance à un décor enchanteur..

Lui qui a laissé tant de morales de la vie courante d’hier et d'aujourd'hui.

Un jour, le village recevait des invités des régions voisines , Dda Bezza était bien sûr de la partie ; pour égayer l’atmosphère, un de ses amis lui demanda :

 –«Dis-nous une de tes sagesses, Dda Bezza ».

Dda Bezza le fixa bien du regard et devant toute l’assistance lui répondit : 

 – « Tu vois mon ami ! Ces sagesses sont pareilles à un éternuement, ça vient tout seul, ça ne se provoque pas ! ».

impressionné, son ami enchaine

 – « Ce que tu viens de dire est déjà une sagesse ».

 

Il décède en 1992, à l’âge de 83 ans en laissant derrière lui une panoplie d’anecdotes et d’histoires drôles avec une dose de sagesse.

J’ai pu rassembler quelques-unes ; traduites en français grâce aux louables efforts de certains jeunes du village soucieux de la préservation du patrimoine culturel d’Ith Yaala. Tellement elles sont nombreuses, elles ne peuvent être rassemblées que dans un  grand volume à elles seules.  

L.Ouali 2015.

En voici Quelques-unes :

 













Lyazid NIth Yaala :

De retour du souk Dda Bezza insistait auprès de son compagnon de route de lui donner à garder l’argent des marchandises vendues ce jour-là. Ce dernier méfiant, refusait de les lui remettre. Arrivés au lit de la rivière Dda Bezza en homme averti, hésitait à longer la rivière car elle était en crue. Il conseilla alors vivement son ami de ne pas s'aventurer à le faire. Mais celui-ci, décida de traverser la rivière malgré tout. Pris par les flots et risque de se noyer, il crie à Dda Bezza de lui venir en aide. De loin Dda Bezza, sur la rive et à l'abri, lui répondit :

-« Ne T’inquiète pas, mon ami, tu as pris avec toi le nécessaire du voyage (l’argent des marchandises). 

 À la fontaine  pour abreuver son cheval ; un enfant questionne Dda  Bezza :

- « C’est quoi le vote ? » Demande  l’enfant.

Dda Bezza handicapé par sa taille, pas plus haut que Napoléon répond à l’enfant

- « Si tu m’aides à monter à cheval, je t’expliquerai ».

Une fois en selle Dda Bezza s’éloigne au galop, et crie à l’enfant :

- « Vois-tu fiston, le vote, c’est d’aider les uns à monter pour laisser les autres en bas ! ».

Tout un chacun à ses malheurs, moi mon malheur, c’est mon souci.

Lyazid NIth Yaala : Un jour DDA Bezza parle à un ami de la naïveté et de la malice, jadis dit-il au temps de la naïveté, une couverture pourrait suffire à 100 (personnes), maintenant avec la malice si tu couvres tes pieds, tu découvres ton visage !
Lyazid NIth Yaala : Après une dispute avec sa femme « laa Ch' rifa » (Allah yerhamaha), qui a trop duré, DDA Bezza cherche un moyen de se réconcilier avec sa femme sans perdre la face. Alors, il sort juste derrière le portail de la maison, et parle à vive voix, comme si quelqu’un est venu lui rendre visite, sa femme soucieuse et curieuse de savoir de qui il s’agit, n’a pas hésité un seul instant dès qu’il est rentré, lui demander qui c’était, et DDA Bezza tout content de lui, d’avoir réussi à amener sa femme à lui adresser la parole et se réconcilier sans faire le premier pas ; lui répond avec un sourire au coin des lèvres : — « Ce n’est rien, je me disputais avec moi-même ! »
Lyazid NIth Yaala : On demande à DDA Bezza, pourquoi l’Algérie est restée sous-développée malgré ses grandes richesses, il répond : -"kimnagh f’choutat « lire dans le texte : l’Algérie est pareille à cet homme qui porte un burnous et qui n’arrive pas à se relever parce que des hommes sont assis sur les deux cotés du pan du burnous.
Lyazid NIth Yaala : Déjà, embarrassé par le manque de temps et de la main-d’œuvre, et la saison de la récolte des olives arrive à grande vitesse, voilà qu’un jour DDA Bezza voit venir son fils qui lui dit : — « Voilà j’ai décidé de dresser un étal pour vendre des cigarettes et du tabac, afin de subvenir à mes besoins et aux besoins de ma petite famille ». DDA Bezza lui réplique sèchement : — mais mon fils Dieu a dit dans le Coran « Wa tini Wa zitoun » et non « Wa tabla edoukhane, Wa chema ».
Lyazid NIth Yaala : Un jour DDA Bezza, demande a un émigré qui est venu lui rendre visite, écoute dit il : — « Dès que ton retour approche, viens me retrouver ! « . Et le jour arriva l’homme tout content se rendit vers DDa Bezza, celui-ci rentre dans l’arrière-boutique, et sort avec un bidon dans sa main et lui dit : — « Voilà, je te donne 5 litres d’huile d’olive à remettre au président de la France ! » L’homme tout étonné dit : — » Pourquoi DDA Bezza tu le connaît ? ». NON, répond ce dernier, c’est juste une façon de le remercier d’avoir accepté des gens comme toi en France !
Lyazid NIth Yaala : DDA Bezza s’adressant un groupe de jeunes, attablé dans un café : — « Qui peut me dire c’est quoi la gomme chez les musulmans ? ». Tous restèrent bouche bée sans trouver de réponse, DDA Bezza répond : — c’est Astaghfirou Allah !
Lyazid NIth Yaala : DDA Bezza, avait un ami pas du tout catholique, un peu bête, un peu cancre, un homme « fade « comme on dit chez nous, mais il le supportait malgré tout, car il lui tenait compagnie et arrive à lui faire passer le temps dans sa boutique, et voilà qu’une vieille connaissance entre dans le magasin et raconte à DDA Bezza qu’il venait de sortir de chez le médecin et que ce dernier lui a prescrit régime sans sel strict, car il avait de l’hypertension artérielle DDA Bezza tout, souriant, le tranquillise, en lui disant, ne t’en fais pas mon ami, mange-tout ce que tu veux y compris du sel, car tu n’as qu’a léché cet homme-là, fade comme il est, tu trouveras guérison.
Lyazid NIth Yaala : Au marché DDA Bezza, vient de vendre une de ses chèvres, l’acheteur lui demanda à lui accorder un délai pour rassembler la somme, et qu’il ne tardera pas à le payer dès que possible. Des jours, puis des mois, voire des années passèrent DDA Bezza, ne voit rien venir. Un beau jour, l’homme, en question devrait se rendre à la Mecque.une façon de se purifier, décida enfin, à rembourser son ami, et lui dit : — » mon cher ami, je viens payer mon dû, que j’ai contracté voilà 20 ans ! » et DDA Bezza sans se retenir finit par lâcher : — » toi cher monsieur, tu devrais faire négoce avec Noé (Sidna noh) lui seul peut te comprendre (car la valeur de l’argent des 20 ans n’est plus la même).
Lyazid NIth Yaala : Que détestiez-vous le plus demande-t-on à DDA Bezza ? Trois (3) choses répond-il. Les souris, car elles mangent tout y compris l’argent. Les femmes, car elles parlent trop, et les Arabes, car ils nous font de l’ombre à nous les Kabyles.
Lyazid NIth Yaala : Au cours d’un recensement de la population, l’employé de l’apc demanda à DDA Bezza, le nombre de personnes qui vivent sous son toit, celui-ci répond : — « À la maison, nous sommes 14, si on ajoute l’Arabe, ça fera 28 ! Car à lui seul l’Arabe mange le double de toute la famille !
Lyazid NIth Yaala : Lors de ses innombrables sorties, DDA Bezza, était, avec ses compagnons de route, attablé à casser la croûte autour de quelques abricots achetés pour la circonstance. avant de commencer le partage, il s’adresse à ses amis : — » Quel partage voulez-vous, celui de Dieu ou celui de ses hommes ? ». La réponse fut sans attendre : – « le partage de Dieu bien sûr, » disent-ils à l’unanimité. Et c’est ainsi qu’il donne une grande quantité à l’un et très peu à l’autre, immédiatement les hommes protetestent, et refuse le partage. Mais, dit-il : – << vous avez choisi le partage de Dieu, et Dieu, a partagé ses bien faits inégalement entre ses hommes, à l’un il donne beaucoup, et a l’autre peu". Tous, étaient d’accord avec ce raisonnement, mais disent-ils : – << cette fois-ci, faite nous le partage des hommes ».
Lyazid NIth Yaala : Durant la guerre de libération nationale, l’armée française a rassemblé toute la population, à la recherche d’un moudjahid qui venait de commettre un attentat en plein village. En file indienne, les hommes passèrent tour à tour devant un officier qui leur présentait une photo et qui posait la même question : — « connais-tu cet homme ? » et à chaque fois la réponse était négative, immédiatement suivie d’une gifle et d’un coup – de – pied, et quand vint le tour de DDA Bezza, l’officier lui tend la photo. DDA Bezza la prend entre les doigts, la regarde sur tous les côtés, frotte les yeux, la rapproche davantage, comme s’il était myope, et finit par lâcher : « ce n’est pas une femme mon lieutenant ? » L’officier fou furieux, et exacerbé : — « tu m’ennuies » lui dit-il, et le laisse partir sans le frapper.
Lyazid NIth Yaala : Chez les DDA Bezza on prépare le mariage à son fils, et comme DDA Bezza a horreur des dépenses, tôt le matin, en essayant de se sauver, il sort discrètement de la maison, mais vite rattrapé par sa femme, écoute dit-elle : « Aujourd’hui ; j’ai invité des femmes du village à m’aider à rouler le couscous, alors il faut que tu fasses des courses pour leur préparer un bon repas, viandes, légumes, limonades, sans oublier le café et le nécessaire pour gâteaux ». Il resta un bon moment muet, pour ne pas dire escamoter, puis finit par dire : — « Je ne peux pas le faire, demande à un de tes fils, quant à moi ça sera un plaisir si tu me procures une place parmi ces femmes, je compte rouler le couscous avec elles ! ».
Lyazid NIth Yaala : Un jour le village, recevait des invités des régions voisines, DDA Bezza y était bien sûr de la partie, pour égayer l’atmosphère, un de ses amis lui demande : — « dis-nous une de tes sagesses DDA Bezza ». DDA Bezza le regarde bien dans les yeux et devant toute l’assistance lui répond : — « tu vois mon ami, ces sagesses sont pareilles à un éternuement, ça vient tout seul, ça ne se provoque pas ! », et son ami enchaîne : — « ce que tu viens de dire est déjà une sagesse ».
Lyazid NIth Yaala : Après une longue et dure semaine de préparatifs et de dépenses pour célébrer le mariage à son fils, DDA Bezza tète baisée, et l’air pensif, croise deux voisines qui le saluent et lui présentent les félicitations : « Mabrouk à DDA Bezza, tu es tranquille maintenant, la fête s’est bien passée et tout le monde est content « disent-elles. DDA Bezza relève la tête et répond : — » ce n’est pas encore fini ! J’ai encore deux chèvres, elles vont bientôt, mettre bas » (khati mazeel thaghat atarew !).
Lyazid NIth Yaala : Si les gens s’usaient, à force de marcher, je crois que j’en serais arrivé aux genoux.

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