vendredi 15 mai 2015

à l'ombre de l'olivier,extrait du livres "les gens qui font mon village"


Ou, le temps de l’insouciance
Le temps de la jeunesse et de l’insouciance ;le temps de l’amusement, et des bêtises ;quand, les grandes vacances approchent ;avant que l’on prenne congé de l’école, on commence, déjà, à préparer le départ vers le bled, y passer tout l’été et y rester jusqu’à la rentrée scolaire, c’était que du bonheur.
Ce sont aussi, les retrouvailles, entre cousins et cousines, les soirées interminables, parfois ; jusqu’au petit matin, dans les fêtes ;mariages ; et, les visites de courtoisie, c’est également des sorties aux champs, tous ensemble ;petits et ;grands, dans une atmosphère de joie et de convivialité, un véritable pique-nique géant, qui prend une ampleur cérémoniel, dans les champs, et autres vergers, « Sahel » ou « iharkan » qui se trouvent à quelques jets de pierres du village.
Le grand-père (Lakhder Bahmed né en 1889) ouvre la marche avec chevaux, et bétail ;suivi de près par une armada d’enfants et de femmes, le tout dans une ambiance bon enfant.
Lakhder, un paysan, au sens vrai du terme, était un homme fort et sévère endurci ;par son passé ; de troubadour dans les pays d’Europe, où il a vécu une partie de sa jeunesse, dans les mines de France et d’Allemagne, il a acquis également, une formation de maçon, métier qu’il a exercé à son retour au pays, pendant quelque temps à travers villages et hameaux avant de se convertir définitivement en agriculteur.
Le colosse, aux yeux bleus, et à la chevelure blonde ;un <Lakhder avait du charisme et de la prestance, dans le temps ; on racontait, qu’une fois ; Slimane (Slimane Bahmed), son frère aîné, d’habitude de tempérament calme, et stoïque, il était pendant la période coloniale premier vice – président de la commune de Guenzet (1945-1952), avait ce jour-là, des démêlés avec son cousin germain Saïd (DDA sa3 a), on lui infligeant une fessée, une dure, et sévère correction. Touché dans son amour-propre, et torturé, par les remords, Saïd, revient le soir armé d’un gourdin, pour se venger.
Slimane lui tient ces propos :
— << n’élève pas la voix, Lakhder est à la maison ! » Car, le faîte de citer le nom de Lakhder, suscite peurs, frustrations, et angoisses.
Immédiatement, Saïd se retourne sur lui-même, lâche le gourdin, et prend ses jambes au cou !. Il disparaît sans donner de nouvelle pendant toute une semaine. Une autre fois, Slimane, avait invité, quelques hommes à l’aider à s’approvisionner en bois dans les maquis en prévision de l’hiver, le lendemain à l’aube, les hommes se présentent, et trouvent le bois entassé, et bien rangé, il s’est avéré que Lakhder, a traîné et porté à lui tout seul les énormes troncs d’arbre, depuis « Ighdem » jusqu’au village distant de 3 à 5 kilomètres.
Le grand-père, avait l’habitude d’emprunter chez un voisin (lahcen uhafi), une arme à feu, une sorte de mousqueton, à long canon, pour tirer quelques salves à l’arrivée aux champs et faire fuir les sangliers, qui détruisaient les cultures, c’est son plus jeune fils, khaled qui s’en chargeait. Ce jour-là, yahia (yahia umaaza), son petit-fils, un véritable tourbillon de malices et de ruses, était de la partie, envoûté par le fusil que portait son oncle khaled, il n’a pas cessé, de l’importuner pour qu’il le lui prête.
Durant, tout le parcours, yahia, taraudait, gesticulait, et essayait de convaincre son oncle et fini ;enfin, par gagner sa confiance, l’arme sur l’épaule, en bandoulière, yahia prend de l’assurance, et intimide les autres enfants occupés à harceler un vieux mulet, ce dernier agacé, se rebelle et donne un coup de sabot qui a failli toucher yahia, ce dernier s’empressa de répondre en saisissant le fusil par le canon et assène un coup de crosse qui alla se fracasser en deux morceaux distincts sur le dos du mulet, aussi tôt c’est le branle-bas ; il court vers le gourbi, pose le fusil dans un coin, bien droit, comme si de rien n’était, et se met à l’affût, à l’entrée, guettant le premier venu qui touche à l’arme.
D’autres plus jeunes, si rusés se sont attelés à vider la gourde d’eau (Boubekeur Nacer, Zine, Kholfa…) La remplisse d’air, et l’a mouille avec un peu de liquide de façon à ce qu’elle paraisse toujours pleine.
Assoiffé ;fatigué ; Lakhder s’assit sous le grand figuier, et sur l’une de ses branches pendait la gourde à portée de mains, il se lève pour s’en servir et étancher ainsi sa soif, quelle fut sa déception lorsqu’il ouvre la gourde un souffle d’air vient se plaquer contre son visage ! (chplaf !), il lève la tête regarde tout autour, et là-haut sur le monticule, une foule de gamins se tordait de rire, ils étaient loin, et la force de jeunesse qu’il avait auparavant l’avait déjà quittée depuis bien longtemps.
Et ce n’est pas encore fini, car, le soir venu, en se préparant à rentrer au village, il envoya son fils khaled récupérer le fusil, yahia aux aguets, voyant son oncle à pas presser, tente de saisir l’arme et sans même le toucher, aussi tôt yahia jaillit de l’ombre et s’écrie, « tu l’as cassé !. (tharzit !).
Sans trop tarder, yahia, et les autres enfants ont compris qu’il fallait quitter au plus vite les lieux, ils prennent la route du retour, et de loin, de très loin même, la voix du grand-père, une voix de rage qui résonnait à travers monts et vaux, à croire que les montagnes tremblaient !.
Plus tard, les enfants ont grandi, la sagesse s’installe aussi, yahia, l’enfant terrible est devenu plus intentionné envers son grand-père, comme tous les autres enfants, chacun à sa manière, lui qui adorait le fromage « La vache qui rit », que lui apportait, avec amour, son petit-fils Farouk (Bouchemla). l.ouali -les gens qui font mon village.

mercredi 13 mai 2015

Ramtane et les autres,extrait du livre "rêves d'été-thirga unebdhu-


Ramtane l’espiègle, était un garçon malicieux et farceur,qui se permettait d’aller là où il le voulait et quand ça l’enchantait . Franchir les fils barbelés, en évitant sciemment l’entrée principale et pénétrer sans aucune difficulté dans l’haïssable poste militaire de l’unité du 1e escadron du 4e régiment de dragons stationner à Guenzet, dans l’actuelle école Midouni Mohamed Chérif. Il se faisait alors un plaisir immense à taquiner avec sa grande gueule les soldats qui faisaient partie de la 5e division des blindée, et surtout à malmener les enfants du capitaine. (Le capitaine Gauthy, commandant le 1er escadron a trouvé la mort le 28 mars 1960 au cours d’un accrochage à l’est de Guenzet).
à cette époque,nul n’arrivait à deviner les raisons qui poussaient inlassablement Ramtane, à se mesurer et braver la soldatesque française,sauf peut-être ses quelques amis,tous aussi zélées,Yahia Umaaza,Zitouni et Madjid Uabbés, Mohamed L’agha, Mohand Uidir et Mohand Arezki n’kaoueche, Makhlouf Makhlouf,Hamid Abdrahmane,Smaiel Boukaroun,Noreddine Bezghou,lafi noreddine et bien d’autres.
Ils savaient tous, que Ramatane, se faisait passer pour un guignol juste pour manger à sa faim, et partager tant soit peu la gamelle, le corned- beef, et le mégot de cigarette des militaires. Et chaque fois, ses amis tout aussi affamés l’attendaient impatiemment à la djemaa. Dés qu’il apparaît au coin de la rue, ils se précipitèrent, et d’une voix à l’unisson ils s’écrièrent : -« Qu’est ce que tu as ramené aujourd’hui ? ».
Cet adolescent, à l’esprit d’indépendant, hardi, refusant les contraintes, sans gène, et qui avait un goût démesuré pour la fantaisie, et surprenant par ses tours de malices, il arrivait à déjouer avec une dextérité inouïe, les traquenards tendus.
Ramtane, ne reculait devant rien, téméraire jusqu’au bout, chez lui le verbe braver, défier, provoquer, était une façon d’aller au combat, et c’est aussi pour dire à ses camarades, moi aussi j’étais à la bataille, pour qu’ils répondent voila un brave ! Il n’hésitait pas a escalader la muraille de la caserne fortement surveillée, s’emparant d’un des vélos appartenant aux enfants du capitaine de la cargaison, et il s’en allait faire un tour jusqu’au soir à la tombée de la nuit, remonta de nouveau la muraille, remettait le vélo à sa place et rentrait chez lui les mains dans les poches. Fier et content de ce qu’il venait d’accomplir au nez et à la barbe du roumi.
Le lendemain,il rebelote, repart à la caserne,se voyait refuser l’entrée,lui qui n’abandonnait jamais ,contourna la citadelle, franchit les barbelés et le voila dans le mess des officiers, s’agrippant à un soldat,enlaçant un autres, partageant un pot avec celui-là, demandant une cigarette à celui-ci, jusqu'à en avoir pleines les poches.
Ramtane Medouni, avec son humour acide, n’hésitait pas à pousser les choses à leur comble,et à tourner autour de son oncle, Dda lahcen si Mokrane,en le taraudant toute la journée,et sans relâche,de question embêtantes et presque toujours les mêmes, du genre :
-« Est ce que tu ne peux pas me prêter ton bourricot pour aller au champ ".
Celui-ci, peureux, et suspicieux, répondait :
- « mais bien sur, tu peux l’utiliser à ta guise, et le temps que tu le souhaites »
Mais un jour, Dda Lahcen si Mokrane excédé par tant de demande, se révolta et refusa de lui céder le bourricot. À ces mots, Ramatane, qui n’attendait pas pareille occasion, lui avec son humeur d’espiègle, le menaça de le moucharder aux militaires.
Immédiatement, Dda Lahcen si Mokrane pris de peur, ramassa quelques œufs de ferme et fait irruption chez sa sœur, la mère à Ramtane, en la suppliant d’intercéder auprès de son fils et de lui faire entendre raison. Le soir venu, Ramtane en rentrant chez lui, n’échappa pas aux remontrances de sa mère, qui lui reprochait son manque de respect, et le grand tort de menacer son oncle.
Et Ramatane de répondre : « Me vois-tu capables de telles actions ?
Je le connaissais peureux et je ne faisais que m’amuser, d’ailleurs grâce cette moquerie, on a gagné des œufs ».
Et pour dire, Ramtane n’a pas changé depuis, c’est de l’humour sarcastique et cynique , récemment il a enfreint délibérément la loi en ramenant chez lui un lionceau, un vrai de vrai, en chair et en os ,emprunté du parc zoologique de Ben Aknoun, juste pour amuser la galerie.
-« Dit moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es ! », La maxime a toujours raison car les amis à Ramtane, eux non plus ne manquaient pas de malice, ils n’échappaient guère à la règle établie.
Zitouni par exemple, était aussi veinard à sa façon, orphelin, il fut accueilli par ses grands-parents, il le dorlotait comme ils le pouvaient, il avait la fâcheuse manie de trouer les poches intérieures pour déverser tout le contenu volé dans les ourlets de pantalon, astuce connue seulement par ses acolytes. Il venait partager son butin de figues sèches, de glands avec son ami Yahia qui l’attendait au seuil de la porte.
Mohand Uidir, le fils à Dda Bezza n’Quaoueche, aussi astucieux, que son père
Yahia Umaazza, le joueur invétéré, qui appréciait particulièrement la toupie, un jeu d’adresse, une toupie en bois très dur, sur laquelle est enroulée étroitement une ficelle, et d’un geste sec et précis d’avant en arrière, on tire sur la ficelle soit en laissant venir la toupie, rouler sur la paume de la main, ou de la faire tomber par terre, et tourne aussi longtemps que possible.
Il aimait aussi, sans aucun doute comme tous ses compères, Yahia et Daoud Nith Bahmed, le « jeu de boutons »-Thikafaline-, qui consistait à faire rouler sur une pierre lisse inclinée, un bouton de chemise ou de pantalon, dans un petit espace clôturé par des galets, le gagnant est celui qui arrivait à poser son bouton au-dessus du bouton du concurrent.
Ou le jeu des osselets, qui se pratiquait avec cinq petits os de mouton,et qui consistait à lancer un osselet en l’air,et saisir un autre par terre,le garder dans la main, tout en rattrapant le premier osselet avant qu’il ne tombe. On recommence ensuite en ramassant un par un les osselets restants. Ce jeu se pratiquait avec d’autres variantes et figures possibles, lancer l’osselet en l’air, saisir deux osselets par terre et rattraper le tout dans la paume de la main, ou de pincer un osselet entre les doigts, lui faire passer la voûte formée par le pouce et de l’index de l’autre main et enfin rattraper l’osselet lancé.
Sans omettre de rappeler d’autres jeux plus ou moins connus, saute- mouton, sauter successivement par-dessus tous les partenaires le dos courbé et penchés en avant. Le jeu de main « tu l’as », transformé bizarrement en « tchila », et les filles qui jouaient à la marelle, sauter à cloche-pied en poussant du bout du pied une sorte de palet sur un tracé rectangulaire divisé en cases.
Chez ces enfants, il avait un moment où tout devint naïf, tendre comme un enfant. Et Yahia qui enlaçait fortement de ses petits bras, le pilier téléphonique, comme s’il serrait son papa qui était de l’autre coté de la mer, au pays où se gagne le pain .il l’appelait à travers ce pylône en bois, pour lui demander de lui ramener, de belles et bonnes choses qu’il ne voyait que dans les rêves et ses livres scolaires.
Et Zitouni qui se laisse faire, Ramtane qui partage tout, les autres qui encourageaient. L’enfant est tout, il vaut mieux que nous dans son innocence. L.OUALI /Rêves d'été.
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lundi 4 mai 2015

Le vieux,extrait du livre "rêves d'été-thirga unebdhu-


Dda Kassa Uabbés ( Abbés Belkacem)
Il n’est pas venu à la prière du matin, puis à celle de la mi-journée, et ses amis alors s’inquiétèrent un peu plus,et contre toute attente,ils décidèrent de se donner du répit jusqu'à la prière du couché. Peut être disaient-ils, c’est juste une fatigue passagère comme il en arrivait à tous les vieux.
lui qui ne manquait presque aucune prière commune avec les fidèles à la mosquée Laaraf,voila une trentaine d’années ,depuis qu’il avait pris sa retraite forcée et avait décidé de son retour définitif dans son village natal ,et mourir parmi les siens .
Il était comme tous les nombreux paysans qui avait traversé la mer pour aller gratter encore les champs pour arracher du combustible, dans les mines de charbon l’Alsace- Loraine, particulièrement la Moselle.
Comme tous ses semblables, c’était une main-d’œuvre pas chère, docile, obéissante, jeune et robuste, ces mineurs qui disaient à leur femme, qu’ils allaient en France pour gagner un peu d’argent puis rentrer! Mais y restèrent presque indéfiniment. Déjà en 1914, on dénombrait pas moins de mille cinq cent (1500) kabyles employés dans les mines du Nord-pas-de-calais, pour atteindre vingt trois milles (23ooo) en 1962.
Livrés à eux même, majoritairement analphabètes, et célibataires, il retrouvèrent un environnement tout à fait différent des leurs, contraints à s’adapter, ils se regroupèrent par petites communautés, selon le village et le hameau, pour recevoir des nouvelles de leurs proches et habitaient le plus souvent des cafés-hotels tenus par des compatriotes. Au rez-de-chaussée, des cafés maures qui contribuaient à maintenir les liens sociaux, et à l’étage, des logements assez petits qui comprenaient généralement une seule pièce, sans aucun confort, où s’amassaient plusieurs personnes, ces logement qu’on appelait autrefois corons, ce n’est que par la suite que les patrons firent construire des cités ouvrières afin d’avoir une main-d’œuvre plus fidèle.
Les « gueules noires »arboraient tous, un visage dont les yeux étaient cernés par de la suie, une lampe de sécurité à tamis nu, de type « Davy », où à cuirasse, une tenue de travail constituée et confectionnée dans un épais drap de lin blanc brut qu'on dénommait jupon, tissu peu coûteux, mais très résistant, chaussés d'espadrilles en corde, sans protection réelle pour ce dangereux métier, mais d'usage courant à l'époque. Par contre les galibots, ces enfants apprentis mineurs, étaient pieds nus, et les plus chanceux parmi eux portaient des sabots de bois !
Les conditions de travail des mineurs de fond étaient exécrables voire innommables, travailler six jours sur sept, de douze heures à seize heures par jours, sur des fonds allant de 300 à mille mètres dans une atmosphère poussiéreuse et sous une température qui varie entre vingt et cinquante degrés .c’est un univers particulier, une profession qui ne dépend ni de la lumière du jour ni des saisons, on y travaille tout le temps. Le bruit est permanent, l’insécurité est présente tout au long des journées, menacés par la chute de pièces, des machines qui cassent, à la merci d’un coup de grisou, d’inondations et des éboulements, la faucheuse est omniprésente.
Abbés Belkacem, Dda Kassa (Belkacem) se donnait un plaisir à nous raconter en détails le quotidien des mineurs, une vie dure et dangereuse, c’est comme s’il voulait nous faire sentir la misère dans laquelle il pataugeait lui, les siens et les ouvriers de la mine, partager c’est aussi s’alléger le lourd fardeau qui pesait sur lui. -« On ne mangeait guère à notre faim, notre alimentation était constituée de pain, le fameux « briquet du mineur »(casse-croûte),de la pomme de terre,et quelques rares légumes,quant à la viande,on en avait droit qu’un jour par semaine ,le dimanche ».
Et puis, il poursuit :
- « on se privait de pas mal de chose, il n’y avait jamais assez d’argent et il fallait à tout prix faire des économies pour envoyer au bled, pour ne pas s’exposer la risée du village ».
C’est suite à une visite médicale périodique que le médecin de la compagnie lui avait décelé les prémices d’une grave maladie qui pourrissait chaque jour un peu plus les poumons. Le toubib lui préconisa alors de rentrer chez lui en Kabylie car il ne lui restait que quelques mois à vivre. -« La bas dit il, il y’a au moins de l’air pure et de l’empathie des gens de la montagne ».
Dda Kassa, est rentré car il avait de la silicose, cette maladie pulmonaire provoquée par l'inhalation de particules de poussières de la roche de silice dans les mines, les carrières, les percements de tunnel. Elle entraîne une inflammation chronique et une fibrose pulmonaire progressive. Et qui se traduit par une réduction progressive et irréversible de la capacité respiratoire (insuffisance respiratoire) même après l'arrêt de l'exposition aux poussières.
Lorsque Dda Kassa (Belkacem), est arrivé dans son village, il avait à peu prés la quarantaine, marchant courbé en avant comme un bossu.
-« faire deux pas puis respirer, chercher l’oxygène et refaire deux pas encore il faut savoir doser son effort » dit-il.
Maigre comme un clou, un mort vivant. Il restait cloîtré chez lui, dormait assis dans son lit de peur de s'étouffer. Quand il lui prenait la fantaisie d’aller se promener un peu, on l’entendait souffler, siffler, grincer, chuinter, comme s’il avait une nichée d’oisillons affamés dans la poitrine. Puis il s’arrêtait un long moment pour reprendre son souffle, toussait, et crachait de la poussière noire mêlée à du mucus et à du sang.
Il parlait doucement, respirait entre chaque mot, prenait un peu de temps entre chaque pas, c’était toujours pareil disait-il :
-«Ça fait partie du quotidien et du métier. On respirait à plein poumon une poussière particulièrement nocive, sans le savoir, on se croyait plus ou moins protéger par un mouchoir imbibé d’eau devant la bouche ».
-« De toute façon, on n'avait pas le choix, si on voulait gagner de l’argent, il faut aller au fond, il faut aller au charbon. »Fini par lâcher Dda Belkacem.
Il continu : -
« Un mineur, est de nature fier, il va gratter, creuser les travers –bancs, entretient le boisage, attaquer le rocher au pic, à la barre à mine puis à la dynamite. Il sait pourquoi, malgré qu'il y laisse sa santé. Après, le poumon est pareil à une éponge qu’on essore, elle apparaît alors pleine de crevasses, et puis, de toute manière, la silicose, c'était une maladie d'ouvrier, tout le monde s'en foutait. »
Dda Kassa savait que c’est l’environnement poussiéreux qui va le tuer, et , il le savait ,il allait mourir , en fait c’est tout le contraire,lui qui est déjà donné pour mort ,il ne le savait pas,du moins pas encore, que son corps refusait d’abdiquer et de s’éteindre ,alors il continue à vivre.
Tous les mineurs le disent:
-«Le gars qui n'a pas de silicose, c'est un homme fainéant autrement dit c’est qu'il n'a jamais bien travaillé.» Comme si la silicose était une blessure de guerre, une décoration funeste qui faisait de lui un mineur de fond.
Il est rentré chez lui ,les larmes aux yeux,pour revoir pour la dernière fois quelques figures avant le grand départ,mais cet air qu’il respirait à grande bouffée ,quoique difficilement,lui faisait du bien ,il aimait particulièrement l’odeur du caroube, et portait assez souvent sur lui une tige de lavande en guise de chasse-mouches .on le faisait sortir pour respirer un bol d’air et voir les amis et les proches, les gens du village lui rendait visite et ça l’occupait un peu et ça lui faisait oublier l’état dans lequel il était.
Chaque jour il se sentait mieux, reprenait petit à petit des forces, toussait moins, respirait mieux, et commençait à se rendre seul à la mosquée jusqu'à ce qu’il retrouva par miracle toute sa santé.
Tout le village en parlait, même le médecin de la compagnie était émerveillé lorsqu’il avait eu écho de la nouvelle. Belkacem abbés, le mineur de fond, celui à qui on prédisait une mort certaine en quelque mois avait vécu trente ans de plus.
Mais ce jour-là, au petit matin, à l’appel du muezzin, Belkacem, ne s’est pas réveillé et il n’est pas parti à la mosquée, il ne partira plus jamais, il s’en est allé pour toujours vers sa dernière demeure.
lyazid ouali mai 2015.(rêves d'été)-thirga unébdhou.

La parabole du vert et du bleu, « ccah yahwa-yagh »

NB : Ce texte, par son contenu, va peut-être fâcher certains d’entre vous, qu’ils trouvent ici toute ma sympathie et ma b...