lundi 14 août 2017

Hamid,le porteur d'eau


Hamid Ouamane
Hamid ouamane (ousmail), originaire de Tizi madjber(la colline de Madjber), le pompier de Guenzet quand elle a soif, il approvisionne le village en eau douce surtout en période estivale, et quand l’eau vient à manquer.
Depuis des années la daïra de Guenzet souffre de manque d’eau en dépit de la disponibilité, plus au moins de cette source hydrique à travers les fontaines qui coulent toujours.la distribution est capricieuse et avare, l’eau n’est disponible qu’une fois tous les 3 jours, juste pour une petite heure. Et pour atténuer leur soif, surtout en ces temps de canicule, la plupart des riverains recourent à l’achat du précieux liquide à raison de 1000 à 1500 Da la citerne .c’est alors qu’une idée de génie a germé dans la petite tète de Hamid en louant les services d’un sourcier et forer sur ses terres à la recherche de l’eau.sa ténacité et l'aide des villageois en eu gain de cause en réalisant une sonde, un véritable puits avec un bon débit qui alimente le village à la hauteur de 70 pour cent. Depuis notre ami a fait du transport d’eau son métier,il approvisionne les demandeurs de cette denrée précieuse et prend ainsi le surnom de Hamid Ouamane.
Autrefois, le problème de l’eau était l’affaire des femmes, comme la djemaa était aux hommes, la fontaine était aux femmes. Ou comme disait l’autre si la Kabylie est un corps humain, la fontaine en serait le cœur. Remplir, transporter, de l’eau, à midi aux heures des méridiennes torrides, et aux premières lueurs de l’aurores, dans des amphores, cruches, bassines, bidons, était une activité au quotidien. Puis vint le temps des hommes à aller chercher cette marchandise à dos d’ânes et de mulets quand les sources se tarissent.
Maintenant, que les fontaines en Kabylie sont en voie de disparition et avec elles disparaissent les réseaux sociaux pour les femmes. Car chez –nous la fontaine est une expression de liberté et de bien-être d’une société. L’eau, tout comme la femme, c’est la vie.
Il faut voir dans l’expression, d’une femme avec une cruche d’eau, une symbolique d’une fusion créatrice. La présence de la femme à une fontaine est aussi un défi à la dominance masculine, et l’établissement de l’équilibre dans une société patriarcale et la fontaine fut également l’espace propre à la femme kabyle ou elle peut librement s’exprimer.
J’oserais dire qu’une fontaine sans femmes est l’abnégation de la vie.la victoire de la laideur sur la beauté, de l’absence sur la présence, C’est éminemment un lieu de savoir, où le l’oralité des vieilles femmes est transmises aux plus jeunes.
Hamid, fait autant avec son tracteur garni d’une citerne, pour que l’eau commune et indispensable à tous devint une marchandise, il fait de ce travail un gain pain, mais aussi une façon de perpétuer le traditionnel métier de porteur d’eau, et un moyen de tisser et d’entretenir les bonnes relations avec les villageois.
Un bonjour par –là, une salutation par-ci, un arrêt spontané à la demande et le voila avec son carnet bien garni à la main, soigneusement entretenu, pour porter commande et donner des rendez –vous qui sont d’ailleurs scrupuleusement respectés.
Hamid est un homme riche, non pas en biens puisqu’il possède une belle demeure dans une grande agglomération, mais il a préféré vivre parmi les siens et leur être utile.dynamique, il est toujours près à étancher la soif des riverains, et répondre aux demandes en eau de la population qui pour les besoins de la construction, de fête, ou autres, même si le thermomètre dépasse ou chute allègrement les températures saisonnières.
Infatigable, imperturbable, car tous les porteurs d’eau qui végétaient dans le village ont sciemment abandonnés, seul Hamid ,debout tel un olivier millénaire a courageusement résisté aux aléas du temps et des hommes pour prospérer dans cette richesse du pauvre.
Hamid est un bonhomme vivant, souriant, toujours sur son trente et un, serviable à souhait et aux petits soins avec la clientèle surtout envers la catégorie seniors à qui il donne la priorité, lui qui répète sans cesse à qui veut l’entendre … « place aux hommes et aux bétails », Car lorsqu’on lui avait fait commande à notre tour de nous approvisionner en eau, pour l’arrosage des plantes afin de les prévenir contre l’excès de chaleur, sa réponse fut nette et sans appels :
-« en ce temps de disette, la priorité va aux humains, quant aux arbrisseaux, ils peuvent espérer les lendemains meilleurs. »
Hamid, le pompier, le porteur d’eau, le porteur de vie d’ith Yaala, Je te salut l’artiste.
L.OUALI AOUT 2017

jeudi 3 août 2017

"moukoum"


"Moukoum"
C’est dans la djemaa, « Asquif l’djemââ »,ou le toit de l’assemblée, à la mosquée laaraf,ce lieu mythique d’autrefois où se rassemblaient les gens pour débattre de la vie sociale et économique du village ,ce même lieu ,déplacé depuis vers la nouvelle mosquée el Qods à Ighil Laarbaa,(la crête du marché hebdomadaire de mercredi ) est continuellement accaparé durant les grandes vacances d’été par les jeunes et les moins jeunes pour se rappeler les histoires d’autan.
Les nouvelles apportées, les souvenirs racontés et rabâchés étaient écoutées par tous avidement pour êtres commentées par la ensuite, dans un brouhaha indescriptible avec lenteur, pour les faire durer plus longtemps, car il faut bien qu’on ait de quoi s’entretenir pour faire passer toutes les soirées d’été.
Mais ce soir –là, contrairement à l’habitude, la conversation, toujours si animée, tomba peu à peu, jusqu’a ce qu’on n’eut plus rien à se dire. Les yeux fixés à terre. Le silence, de plus en plus prolongé, et qui emplissait du ronflement de deux vieillards restés à l’écart dans un coin de la mosquée.
Et puis quelqu’un toussa si fort qu’il rompit le silence, l’assemblée comprit vite qu’il allait raconter quelque chose et chacun se met à s’approcher davantage plus prés de lui. On s’agglutine, on s’entrechoque, on allume les cigarettes, on tire sur le mégot, et les premières bouffées créèrent instantanément l’atmosphère nécessaire au récit. C’est par cette façon, que l’auditoire marque son grand désir d’écoute.
La voix du conteur monta alors lentement, en devenant de plus en plus pleine, remplissant le silence qui régnait. Même les deux vieux qui somnolaient se réveillèrent brusquement et se rapprochèrent pour écouter
« Vous n’avez pas connu, vous autres,’Moukoum’, l’orgueilleux? Dit le conteur.
Normal, vous êtes trop jeune.il faut croire qu’il n’aimait pas la compagnie et qu’il n’aimait pas du tout le village, sur qui d’ailleurs il ne comptait pas pour le faire vivre, quoique entre les gens du village, on s’entraide mais on ne se fait point de charité. Alors il partait de bonne heure, tous les jours, surtout au printemps la saison qui lui permettait de voyager et de faire sa tournée de travail, au pas et de revenir s’enfermer pour l’hiver. Il partait sans monture, juste sur ses pattes longues et raides depuis qu’il avait vendu son vieux mulet qui n’avait jamais appris à bien trotter !
Moukoum, était un homme rempli d’orgueil et d’amour excessif de soi-même, celui qui cherchait des difficultés pour avoir le plaisir de contester même dans rien, au lieu de se soumettre au principe prouvé .indomptable, insoumis, ombrageux et particulièrement méfiant.il n’était jamais d’accord avec les gens du village.
En tous les cas, voici ce qu’il est arrivé, et c’est ’ Moukoum’ lui-même qui nous l’a raconté.
Un jour, l’orgueilleux s’est aperçu qu’il n’avait pas encore de quoi vivre une semaine.mon dieu, quel désastre ! Il aurait du aller trouver quelques amis qui se comptaient sur le bout des doigts ou ce qu’ils semblaient l’être, ou l’imam du village ou bien monsieur le maire pour leur expliquer son affaire !mais vous connaissez bien ce que c’est qu’un orgueilleux, il a du sang orgueilleux qui coule dans les veines, donc trop fier pour faire le quêteux. «
Et le conteur se tut un instant pour rallumer une autre cigarette et tirer une touche et toute l’assistance fit autant, vivement intéressée par la suite de l’histoire.
« Alors, dit le conteur, qu’est-ce qui restait à faire à un campagnard comme lui, opiniâtre jusqu’aux os ?pouvait-il donner sa tête à couper et consentir à mourir de faim ? Pas du tout, cela n’arrive qu’aux braves gens. Vous le devinez, hein ? Un beau jour, pas forcement comme un jour de printemps, claque la porte de sa maison, et part tout seul et à pieds pour aller quêter du travail dans une petite tournée au pays des « arabes »(les hautes plaines).il se trouve que notre ami, le vieux lascar, un dur et un pur berbérophone, ne savait ni lire ni écrire et il ne parlait pas un traître mot d’arabe !quelle galère !!!!
Le voila donc parti !en laissant femmes et enfants seuls ou presque, car au fond de lui-même il comptait malgré lui, sur la pitié et l’empathie des villageois. Après tout, le voyage était incertain et sur qu’il n’allait pas revenir au bout d’une semaine.
Au bout de cinq jours de marche, il s’est mis à tomber une neige terrible, à en croire les vieux, elle l’a considéraient alors comme une vraie punition divine vue son abondance. Nuls ne pouvaient déblayer, ni ouvrir les portes, d’après les dires, il fallait sortir une gaule à travers les toits pour pouvoir repérer les maisons.
on racontait qu'il faisait tellement froid, que les clous des portes et charpentes cassaient, et dans l’impossibilité de sortir, les gens ont du brûler leurs meubles et tout ce qu’il y’avait dans la maison pour se chauffer.
Le conteur s’étant tu, une seconde fois pour reprendre du souffle, et accorder un laps de temps, juste quelques secondes à l’apitoiement. Mais l’auditoire, anxieux, impatient de connaitre la suite, demanda fébrilement :
qu’a t –il advenu de notre orgueilleux ?
Entre deux bouffées de fumée le conteur répond distrait :
Il s’est retrouvé par miracle au abord d’un village, complètement exténué et affamé. Il a eu la vie sauve grâce un concours de circonstances qui coïncidait avec le décès d’une personne dans le village ou il n’y avait pas d’imam pour réciter le coran sur le mort.il fut accueilli et nourri en contrepartie de jouer le rôle de l’imam, lui qui n’a jamais fréquenté l’école ni appris un quelconque verset coranique.
Il avait passé une partie de la nuit à psalmodier et à réciter sur le mort avec des mots que lui seul connaissait la signification. Des mots aussi bizarres qu’étranges, qui se terminaient par « moukoumou » en référence aux mots arabes dans leurs terminaisons plurielles « koum » d’où le sobriquet de notre homme orgueilleux Moukoum ».
Et le silence reprend ses droits, de plus en plus prolongé, jusqu’a ce qu’une autre personne, toujours sur le même refrain, fait mine de tousser pour annoncer une nouvelle histoire. Sans tarder, une personne toussa et dit : vous vous rappelez de « dine lakroumb ? ».
l.ouali aout 2017
les contes de mon village

La parabole du vert et du bleu, « ccah yahwa-yagh »

NB : Ce texte, par son contenu, va peut-être fâcher certains d’entre vous, qu’ils trouvent ici toute ma sympathie et ma b...