mardi 20 janvier 2015

le reconciliateur

                           DDA OUAKI NITH H’MAMA
                                    (Hamoui Arezki)

 DDA Ouaki NIth h' mama (Arezki Hamoui) un bel homme, élégant, et toujours tiré à quatre épingles, moustache à la Turque, connu, et respecté, dans tout le village.il était un homme particulier et hors du commun, il se distinguait des autres par une singularité propre à lui, et qui lui donnait un cachet unique en son genre, il était le réconciliateur, l’arrangeur et le sauveur des couples.

On rapporta ; qu’a chaque fois qu’il ait eu connaissance ou écho d’une dispute dans un couple au village, où les hameaux environnants, il ne ménage aucun effort, il accourt avec enthousiasme et abnégation, afin de les arranger et les réconcilier. Selle immédiatement son cheval, se rend au marché du village, fait des achats remplis le couffin de viande et légumes, et prend le chemin vers la maison des parents de la femme, s’invite chez eux, puis commence à sermonner la femme jusqu’à ce qu’elle devienne docile et accepte sans trop rechigner à regagner son foyer auprès de ses enfants, et sa seconde moitié.
Convaincue, la femme accompagne DDA Ouaki, lui sur son cheval et elle qui s’agrippait à la bête, le suivait derrière, une fois arrivés au domicile, DDA Ouaki fait de même avec le mari à qui il tient des propos durs, acerbes et humiliants du genre :

— « toi, par ton comportement absurde, tu es devenu la risée du village, répudier sa femme est un acte méprisé et méprisable par Dieu et ses hommes, indigne d’une personne de ton rang et celui de ta famille, résine-toi et accepte le retour de ta femme, pour le bonheur de tes enfants ».

Le mari, sans dire mot et d’un regard discret juste du coin de l’œil, fait signe à sa femme de rentrer.

Et c’est de cette façon et à chaque fois DDA Ouaki, arrive, à apaiser les rancœurs, éclipser les malentendus et ramène ainsi de la joie dans les foyers.
















dimanche 18 janvier 2015

Amirat,père et fils

                        AMIRAT : PÈRE, ET FILS
                         (Allah yerhem chouhada)

El Haoues Amirat est né en 1899, à Guenzet Nith YAALA, cet homme qui avait rejoint les rangs de l’armée de libération nationale en emportant son arme avec lui ; il avait juré de ne pas la remettre à l’armée française, qui cherchait alors, à récupérer à tout prix, toutes les armes des villageois. Ce jour-là, il décida de donner sa vie à sa patrie et de mourir l’arme à la main. 
Embusqué, derrière un mur, à l’angle, d’une des nombreuses et tortueuses ruelles de Tanaqoucht ;Mouloud, le fils d’El Haoues né en 1939, sur les traces de son père, armé d’un pistolet de type Beretta 9 mm à la main, tout rouillé, contenant juste une balle dans le barillet, qui s’apprêtait à accomplir la mission, dont il a été chargé par l’armée de libération nationale : abattre le harki Nacer, dit, le capitaine, qu’il guettait comme un lion qui attend sa proie.

Le harki ne s’imaginait pas, en rentrant chez lui, ce jour-là, qu’il allait connaître le moment, le plus terrible de sa vie. Dés, son apparition, Mouloud, plus décidé que jamais, il rassembla tout son courage, respira un bon coup, surgit comme un éclair pointât le revolver, tira à bout portant et se sauva, à travers les dédales des petites ruelles de Tanaqoucht, qu’il connaissait comme sa poche, le harki ensanglanté, touché à l’épaule, un pied-à-terre suit du regard le tireur qui s’éloignait ; ou l’image floue se dessinait dans sa mémoire.

Sans tarder, le village est mis sens dessus dessous, l’armée française a fait appel à toute la population, elle fut rassemblée à la grande place (Lotta n’souk). 
Photo en main, l’officier questionnait les villageois, un par un, une véritable séance de torture et d’humiliation.
Pour l’anecdote, on raconta, que parmi les villageois, réunis, se trouvait, Dda Bezza n’Qaoueche*, un homme connu dans tout le village pour sa ruse et sa sagesse de terroir, et devrait trouver, dans un temps record, un moyen de s’en sortir de cette situation sans trop de dégâts : éviter l’humiliation, et ne donner aucun renseignement, sur la personne recherchée, qu’il connaissait d’ailleurs parfaitement.

Lorsque, le tour de Dda Bezza fut arrivé, le soldat lui tend la photo, et dit :

— « Tu connais cet homme ? »

Dda Bezza ; prend la photo dans sa main, la regardait dans tous les côtés, puis, il l’a rapprochait davantage, clignotait des yeux, faisant semblant d’être myope, puis dit :
— « Ce n’est pas une femme mon lieutenant ? »
Le soldat, fou furieux, le renvoya illico presto.Il en est sorti encore une fois, miraculeusement indemne avec quelques injures. 
Finalement, en guise de représailles, l’administration coloniale décida de détruire la maison des Amirat, et c’est à ce moment que le génie du vice-président de la commune de l’époque, DDA Lahcen Uabbas, se révéla encore une fois, une ruse payante ; il se démêla toute la journée, à déménager toute la famille, et quelques biens, sans importance, dans un taudis, une maisonnette presque en ruine, leur faisant croire que c’est sous ce toit, que vit la famille Amirat, et lorsque les soldats arrivèrent, menus de leurs engins, il se précipita vers eux :
— « Voilà, la maison, mon colonel ». dit-il
Et c’est ainsi qu’il sauva les biens de cette famille, comme il l’a fait pour d’autres. 
Quelques jours plus tard, Saïd (Ouali Saïd), un enfant du quartier, témoin de la scène, au détour d’une ruelle, lance à Mouloud Amirat :
— « Ah ! Ya, Mouloud, tu l’avais raté ! ».
Mouloud sourire aux lèvres répond à Saïd
— « Ne t’inquiète pas, mon frère, la prochaine fois, je tâcherai de ne pas le rater ».

Depuis, Mouloud, et son père El Haoues, sont tombés aux champs d’honneur, les armes à la main, la même année en 1958, Mouloud à Thilla, et El Haoues, lors du bombardement de Tansaouth.








samedi 17 janvier 2015

le vieux brisquard

                                           Saïd Ouali (Saa uma3za)

                                                 Le vieux brisquard

Très tôt, aux aurores, Saïd, le vieux brisquard était debout, il se prépara à la prière du matin, il faisait ses ablutions, dans la cour encore éclairée par la lune ;lave, mains, visage, et pieds, tout en murmurant quelques phrases du Coran l’esprit vif, l’œil alerte, robuste et fort, le colosse était imposant par sa stature et son tempérament, il faisait peur à tout le monde et tout le monde le craignait au village. 
Il sursauta brusquement en entendant un bruit assourdissant venant du  contrebas de la maison, on frappait à la porte, Saïd releva la tête, il hésita un instant, puis, tel un ours, il rassembla ses forces et se rua vers la porte. En ouvrant, il fut surpris de voir son beau-fils Bouzid et sa fille Menana. Celle-ci, par pudeur ou par tradition, restée en arrière ; la tête basse et le visage triste.

— « Qu’est-ce qui vous amène à cette heure-ci ? » Dis Saïd, d’un ton inquiétant.
 Bouzid, l’air embarrassé répondit d’une voix, presque inaudible
— « On a eu une dispute de couple et je viens répudier ta fille ». 
— « Ah, bon ! » répondit Saïd, fou furieux, sans quitter le seuil de sa porte, toisa des yeux à demi fermés, son beau – fils de la tête aux pieds et poursuit d’un ton provocateur et menaçant :
 — « hé ! bien cher monsieur, je te conseille de reprendre vite ta femme et de rentrer immédiatement chez toi, tant qu’il fait encore nuit et avant que la nouvelle ne se réponde dans le village, car dans le cas contraire, je n’hésiterais pas un seul instant ; à te brûler vif ! ».

Bouzid, sans tarder et sans rien dire, a repris immédiatement accompagné de sa femme, le chemin du retour vers Aourir  Oueulmi, tout en sachant parfaitement de quoi était capable son beau-père. Cette histoire resta indéfiniment dans le secret, sans jamais dépasser l’entourage de la famille. 
On rapporte également qu’un jour, un groupe de gens de la djemaa, qui était venue frapper à sa porte, Saïd sortit en criant :

— « Encore vous ! De retour, pourtant je n’ai pas cessé de répéter à satiété ; que si c’est pour de l’argent n’y comptez pas, si c’est pour un travail de force ; je suis là ! », tout en bombant le torse. 
La réponse fut sans attendre et tous s’écrièrent à l’unanimité :

— « Oui, on est venu quémander tes bras pour venir à bout de ce qui reste de l’ancienne mosquée et qui nous tiennent rigueur ! » 
Immédiatement, il releva les manches de l’unique cache-poussière qu’il portait indéfiniment, saisit la houe, et la pelle, et s’en va en « guerre » contre la bâtisse qu’il terrassa sans trop d’efforts.
Saïd Ben  Ali, Ben Ahmed, dit « Sa3a Uma3za », avait un seul frère, Yahia et une seule sœur. 
Tardivement porté sur l’état civil. Selon son extrait de naissance qui porte le numéro 145 ; il était alors âgé de 30 ans en 1 891. Il devrait être né, probablement en 1881. 
Il est le conjoint de Ouardia Zenati ; morte à  l’âge de 80 ans (1882-1962) (Axxam Nith Uchergui), et le père de deux (2) garçons Mouloud (1911-1959) et Ali (1920-2005), et de six (6) filles :
 – Khrofa, – Adada, – Mébarka, – Menana, – Messaad et – Zahra.
Saïd, était grand de taille, brun de peau, aux yeux marron et au regard d’acier, lui qui a touché à tous les métiers ;d’abord, agriculteur par atavisme ou par nécessité, puis boucher, à souk Ouadda (le marché d’en bas), où il avait un étal à l’époque à son nom ;et un crochet, une sorte de potence, à viande et autres produits, qu’il louait pour arrondir ses fins de mois, artisan à des heures perdues, il excellait dans la fabrication des  ustensiles de cuisine et particulièrement de cuillères en bois. 
Un véritable artiste-ébéniste, il avait de l’art dans les mains, mais presque rien dans les poches, quoique pauvres, mais dignes, il n’exploitait jamais le travail d’autrui, mais vendait le produit de son propre labeur. 

Il immigra pour un temps, en prenant pour la première fois de sa vie, le bateau en partance pour la France, regroupés dans la soute comme tous les indigènes, il a eu la fâcheuse surprise de recevoir un crachat sur la tête du  haut de la première classe.la rage au  ventre, il s’écria avec un semblant de Français : 
— « Ah, si je montais, je descendrais ! » voulant dire : « Gare à vous si je monte ! ». 
Il avait fait son chemin à bourlinguer à  travers les pays d’Europe, pour faire fortune, sans succès, il finit par exercer divers travaux, puis regagnait vite son village natal, et y consacra le restant de sa vie au travail de la terre.

La terre ! Saïd Umaaza avait un lien affectif qui le liait, à la terre, le petit lopin qu’il possédait à « Ighdem », mitoyen du champ des  Bahmed, qu’il chérissait comme la prunelle de ses yeux, quoique, sec et presque aride, une pente rocailleuse, parsemée de quelques arbres, des oliviers et des  figuiers qui avaient déjà pris de l’âge, et qui ne produisaient plus comme avant ; il arrivait, que les chèvres des Bahmed n’osassent jamais franchir par peur ou par instinct la haie qui délimitait les deux champs ; tellement le vieux, dégageait de la prestance, malgré, la faiblesse de sa vue et sa figure pleine de rides. 
Il s’accrochait, bon  an  mal  an, à en tirer de maigres profits pour de grands et énormes efforts ; quelques litres d’huile, par-ci, quelques kilogrammes de figues, de grenades, et amandes, par-là, qu’il vendait au marché.

Un jour, lui qui connaissait parfaitement son champ, de ses moindres recoins à la plus petite des brindilles, remarqua avec étonnement la disparition de quelques fruits, qu’il a laissés la veille, en attente de mûrir, il tira vite la conclusion qu’un voleur rôdait autour du  verger.
Il se cacha dans un buisson et surveilla toute la journée lorsque deux individus se sont fait prendre en flagrant délit de vol. 
Les pauvres hommes ont subi une atroce et barbare punition, le colosse les avait enterrés vivants jusqu’au  cou ! Les laissant rôtir au soleil jusqu’à ce que, leurs siens s’aperçurent de leur absence, accoururent à leur secours et les sauvèrent d’une mort certaine.
Depuis, la petite histoire s’est répondue dans le village comme une traînée de poudre et devint un principe admis par tous dans la préservation de la propriété privée et, aucune personne n’osait transgresser depuis, le domaine d’autrui.

Saïd, s’est éteint, en 1941, à l’âge de 60 ans, des suites d’une maladie chronique dit-on ; la houe à la main.et Dieu ait pitié de son âme.


dimanche 11 janvier 2015

la Mascotte du village

                                                                Dda Abdallâh
                                                                 la Mascotte 

– Abdallah, le fou du village, une figure qui alimentait l’imaginaire collectif, car autrefois, un village n’en était pas un s’il ne possédait pas son propre fou !, et Abdallah, en est la mascotte du régiment, et un personnage essentiel qui rythmait la vie au village.
Si les villageois pouvaient rire, et s’amuser de ses histoires comme bon leur semble, il n’en est pas de même pour les étrangers qui ne pouvaient pas se payer sa tête, car si les inconnus se moquaient de lui, c’est comme s’ils se moquaient de tout le village.
Au village, on l’appelait « Abdallâh Bou chek chouken » (celui qui ramassait les pièces usées). Tout le monde le connaissait, et tout le monde était son ami, le collectionneur de babioles, gros et petit, de toutes sortes et en tenue spéciale pour la circonstance, burnous, gandoura, coiffé d’une chéchia décorée par les meilleurs objets ramassés, et équipé d’un instrument en guise d’arme en bandoulière

Tôt le matin, il parcourait le village, de long en large à travers ses ruelles et recoins bien particuliers tels les cafés et le dépotoir « aghoudi ledjmaa », à la recherche de bricoles de toutes natures, mais il jetait son dévolu sur les pièces métalliques et les objets tordus, surtout les capsules de bouteille de soda, qu’il rafistolait, et redressait chez son ami le forgeron du village Hakim uchergui, ensuite il confectionnait des accessoires fabuleux comme les porte-clés et des boucles d’oreilles, qu’il épinglait sur ses vetements.il trouvait un attachement presque pathologique à ces objets qui aux yeux des autres n’avaient aucune valeur, fasciné, et attiré par une pulsion irrépressible, un appétit insatiable d’acquisitions, et de trouvailles, tout se passait comme si, entre ses mains, l’objet prenait une autre dimension et devenait vivant, animé et aimé, avec qui, il établissait un rapprochement et une identification étroite et exclusive qu’avec n’importe quel être humain. 

Abdallah, qui a passé toute sa vie à collectionner ces choses concrètes perceptibles, et fantaisistes chers à ses yeux. Il faut voir l’excitation et l’émotion, qu’il dégageait à chaque fois qu’il tombait sur un objet peu ordinaire un véritable comportement amoureux, voire névrotique qu’il faut aller rechercher probablement dans la petite enfance, où le pouvoir de l’objet transitionnel qui lui permettait de soulager sa peur de la solitude.son gout pour les objets contrebalançait les traumatismes d’une enfance sans amour.et pour contrecarrer ce manque, ses sentiments se portaient sur un objet fétiche.

Dda Abdallah Nith Ammar, était un homme solitaire, qui vivait dans son monde à lui, sans déranger personne, et sans jamais vivre loin des siens, à l’époque les gens refusaient d’enfermer les fous, pour des raisons religieuses, de dignité, de moyens et leur intégration au sein de la collectivité était considérée comme thérapeutique. 
Il faut dire, qu’en ces temps-là, presque chaque famille, ou dans chaque hameau, il avait un fou en son sein, Abdallah Nith Ammar, Abderrahim UAbbas et L’Bachir Nith Bahmed à Tanaqoucht, Si-Smail à Lotta n’souk, et bien d’autres qui hantaient de jour comme de nuit, les villages environnants.
Ces personnages psychologiquement perturbés, qui ont perdu la raison, les exclus de la société, ceux-là qui entendaient des voix, que personne n’entendait et voyaient ce qui n’existe pas, parlaient un discours en rupture avec la norme. Leur intégration dans la société est synonyme de réactions tantôt cruelles, tantôt protectrices, car ils restaient la marginalisation de ceux qui sont bizarres, la peur de l’étrange, sœur de la différence, et dans certaines mesures, on leur reconnaît l’innocence, ces personnages particuliers ravis, les simplets, les innocents du village.

Ces gens qui ont perdu l’esprit, ces personnages mythiques qui occupaient un rôle central dans la population, ils jouaient le rôle ingrat, bien que nécessaire, ils étaient le repère de la normalité des gens du village, et qui les rassuraient qu’ils étaient bel et bien sains d’esprit, depuis que ces laissés pour compte, ont mis les pieds dans les hôpitaux psychiatriques, la folie n’existe plus, elle s’était transformée en maladie.          
Notre professeur de médecine en plaisantant nous disait que le premier patient d’un psychiatre c’est lui-même et Freud considérait que personne n’est entièrement normal.

Un jour, un des neveux d’Abdallah, Nadir, voulant lui faire la morale, en lui reprochant son attitude obsessionnelle à ramasser des frivolités, il répondit de façon nonchalante et empreinte de sagesse : « on ne siffle pas, à quelqu’un qui a soif ! » Pour dire et signifier à l’autre et à tous que le mal est tellement profond et qui réside dans un besoin, un besoin naturel et vital : l’amour qu’il n’avait jamais eu durant son enfance.lui qui aimait réciter la phrase :« Iwallah, iwallah, dadakh Abdallah ».


Abdallah était le premier époux de Tassadit Nith Bahmed, avant qu’elle divorce, et prit un second conjoint, son cousin, Amar (Dda Mara) Nith Bahmed. Le père du défunt Abdelkrim l’électricien, et Hamid le chauffeur de taxi.

jeudi 8 janvier 2015

Du Khôl pour Tamazight

                                                         Taklit  H’mida

Taklit H’MIDA née en 1922 à Guenzet Nith YAALA, de son vrai nom Laribi Taklit, épouse Kettal Athmane, fille de Laid [Ouhlouche] et de Maada N’kassa, mère à une fille unique, sœur à Mébarka ou Bekka de Bouzoulith, et Zahra H’MIDA l’épouse à DDA Ali Um3ouche     (Kerma Ali). Elle était une ardente, une passionnée, et une fervente partisane de la culture berbère, et animée d’un grand enthousiasme pour la cause amazigh.

C’est dans les années quatre-vingt, lorsque Mouloud Mammeri, interdit alors de conférence à l’université de Tizi-Ouzou sur les poèmes kabyles anciens    Qui était à  l’origine de la violente répression du  mouvement linguistique berbérophone en Kabylie, à Alger, et aussi, dans diverses autres régions de l’Algérie, appelés par la suite les événements du printemps berbère, qui avait servi de détonateur, et avait permis à Taklit de prendre conscience de la dimension de la culture amazigh, elle s’engagea alors, corps  et  âme à défendre et promouvoir tamazight, au détriment de sa vie. 
Elle avait vécu par  la  suite, le soulèvement estudiantin de 1986, qui l’avait encore marqué au plus profond d’elle-même.
Elle se renseignait auprès des  jeunes du  mouvement culturel, elle cherchait à comprendre    les véritables motivations et les raisons de ce soulèvement. 
Elle qui n’avait guère fréquenté les bancs de l’école, elle savait juste faire une chose, elle s’était spécialisée dans la fabrication de « khôl », une sorte de fard, noir ou gris, utilisé comme cosmétique pour maquiller, ou soigner les yeux dont, elle seule, avait le secret de la confection de cette poudre, dont la notoriété dépassait largement les frontières du village.

Petit à petit, elle saisit le sens et l’essence de ce combat, elle finit par comprendre l’importance de son identité et de sa langue maternelle, une langue, qu’elle a toujours parlée, il faut retourner à la source, disait-elle. 
C’est à ce moment qu’elle y adhère, active et commence à militer et à revendiquer à vivre sa berbérité pleinement et totalement.
Elle s’est manifestée lors de la grève des  cartables en 1994 et en 2001.
Lors du 20 avril, elle était au  premier rang parmi des centaines de militants et autres sympathisants dans les manifestations pacifiques organisées dans sa commune pour la reconnaissance de tamazight langue nationale et officielle, une journée sanglante où la violence qui avait duré plus de deux ans, avait fait 126 morts sur tout le territoire, dont un, du  village de Guenzet, le nommé LYES YAKOUB âgé alors de 13 ans, il est mort le jeudi 21 juin 2001.   
Elle était, un des  piliers du  mouvement féminin de la région et faisant de tamazight un combat et un idéal à atteindre. 

Elle n’a jamais cessé son combat jusqu’à la reconnaissance de la langue tamazight comme langue nationale en 2002. 
Elle décède loin de son village, à Constantine en 2008.


Mouloud Belouchet

                                La bataille de Taourit Yacoub*

Mouloud Belouchet, dit Mouloud Umazouz, natif, du village Ighoudhane né en 1920.le père de trois (3) garçons : Khaled, Ferhat, et Mohand-Ezzine, et de deux (2) filles : Farida, Ouarda.
Il est le mari à Taous Oudjlili(Lafi), un homme svelte, bien bâti, et fort de caractère.

Juste après sa libération de l’armée française au sein de laquelle il était conscrit de force, il rejoint l’ALN ou il était chargé alors, de l’approvisionnement de la résistance, avant, d’être nommé adjoint politique du secteur II, dans la wilaya III. 
Ce jour-là, à la veille de l’Aïd, un commando de moudjahidines composé de trois (3) personnes, Mahieddine Laala, Mouloud Umazouz et son secrétaire Abdelhamid Regoui, ils avaient pour mission, d’apporter une aide financière, aux veuves de chahid, aux femmes des prisonniers de guerre et aux orphelins.

Au matin, du 28 mars 1960, la mission accomplie, et sur le trajet de Taourit Yacoub un village situé à quelques dizaines de mètres à vol d’oiseau, de la commune de Guenzet, vers Timenquache, ils tombèrent nez à nez avec un groupe de suppléants de l’armée française, des coups de feu éclatèrent de part et d’autre, Belouchet et ses amis avaient préféré éviter l’accrochage, ils s’étaient repliés en prenant le chemin du retour vers Taourit Yacoub. Au cours de route, Laala se sépare des deux autres en empruntant un autre itinéraire.
Aussitôt, l’alerte donnée, la machine de guerre de l’armée française, parquée au poste fixe du régiment des dragons de la commune de Guenzet, se mettait en branle, et encerclait, toutes les issues menant au village, y compris la maison des Bouzidi, dans laquelle, étaient réfugiés, L’Mouloud Umazouz et son compagnon Abdelhamid.

Les soldats regroupèrent femmes et enfants dans la mosquée du village, se rapprochèrent de la maison et tentèrent plusieurs essais pour entrer, sans succès, car immédiatement repoussés par les moudjahidines qui étaient aux aguets, et prés à les recevoir. 
Les soldats finissent par choisir une autre solution, escalader les murs et ils se mettaient sur le toit, arrachaient les tuiles, mais là aussi, ils étaient surpris par des rafales d’armes automatiques, et le commando arrivait à repousser l’assaut des soldats. 
Retranchés dans la maison, bien armés, les deux moudjahidines avaient mené une bataille rude et avaient tenu tête à une armada de soldats, et de harkis, bien plus équipée en hommes et en matériels. L’opération s’est soldée par la mort d’un soldat français, de grade de capitaine, d’un chien, un berger allemand, et quatre (4) autres blessés d’un côté, et la mort du sergent Belouchet, et son adjoint Regoui Abdelhamid de l’autre côté.

Au début, de la bataille, l’armée française voulait les prendre vivants, et, toutes les tentatives de les ramener à la reddition furent vaines, c’est alors, que Belouchet, en homme averti, et sachant qu’il allait tôt ou tard mourir, s’écria du haut de la pergola :
— « Je suis un officier de l’armée de libération nationale, en tant que tel, j’exige de parler à un officier français ».
Le capitaine, hésitant d’abord, se ressaisit ensuite, et monte sur le toit de la maison. 
Immédiatement, Abdelhamid surgit et tire une rafale de mitraillette, il le toucha à plusieurs endroits, le corps du soldat tel une masse, dégringole du haut de la toiture et alla s’écraser plus bas sur le sol mort raide. 

Les balles fusent de partout, et la fusillade redoublait d’intensité, la bataille a duré plus de trois (3) heures, de 11 heures du matin, à 02 heures de l’après-midi, les soldats français, ont dû utiliser tous les moyens, et finissent par détruire toute la maison, à coup de grenades et de mortiers.
*taourirt Yacoub :la petite colline de Yacoub

mercredi 7 janvier 2015

À ma mère, à toutes les mères


                                    « ALDJIA NITH BAHMED »         

— La sœur aînée, la confidente, et comme, disait l’autre, le mythe ancré dans la mémoire des Kabyles, celle qui avait l’organe du courage et de la bravoure, le cœur (oul) et l’organe de l’affection et de l’amour, le foie (thassa). Aldjia, la battante, l’anti-héroïne de son passé récent ; malgré la douleur, les regrets, et les chagrins tissés tout au long de sa vie, une vie, échelonnée, reportée, pour des lendemains meilleurs et qui ne furent jamais. 
Elle qui a vu, son mari emporté par le bateau de l’exil, puis enterré, au nom d’une raison, d’un idéal, la révolution. Elle a tellement souffert et tellement enduré, qu’elle refusa difficilement, une seconde séparation, de ses deux fils, appelés alors, par l’état algérien, le garant des enfants de chouhadas, pour les envoyer étudier et s’instruire à l’étranger. 
Au mois de mars 1955, NNA Aldjia, debout au seuil de la porte, suivait du regard une silhouette drapée d’un burnous blanc, frêle et longiligne qui disparaissait à travers arbres et buissons, du  maquis d’Ighdem, Aldjia venait de donner des soins à l’un des chefs historique de l’armée de libération nationale, le lion des montagnes, le colonel Amirouche, blessé à l’épaule droite à la suite d’un accrochage avec un groupe de parachutistes cantonné au  poste fixe d’Ith Hafed où une bataille a eu lieu sur le versant nord de la montagne de Thilla.

La veille, au  crépuscule, deux ombres qui se dirigeaient vers l’agglomérat de maisons et que l’on distinguait à  peine de l’épais brouillard qui enveloppait le village, constitué alors, de trente-cinq maisons, l’une des  ombres semblait avoir de la peine à marcher, s’appuyant sur l’autre et se déplaçait difficilement, les silhouettes se rapprochaient des maisons, au fur et à mesure que le brouillard se dissipait, laissant apparaître des visages reconnaissables.
Son mari L’Mouloud Ouali et le colonel Amirouche, il tenait de sa main gauche l’épaule droite qui pendait, un léger filet de sang ruisselle le long de son bras, une blessure sans gravité. 
Amirouche avait fait de la localité d’Ighdem et de ses environs son bastion, une base arrière logistique, Amirouche disait souvent :
— « Cette région a beaucoup donné, on le lui rendra, à l’indépendance si nous sommes toujours parmi les vivants ». 
Amirouche enjambait d’un  trait le monticule, et s’en alla en empruntant un chemin qu’il semblait parfaitement connaître. De loin apparaît un point blanc éclatant ; brillait de  mille  feux au  soleil, le burnous que ma mère lui avait donné, et que lui modestement refusait de prendre, mais finit par accepter après insistance de mon père. 
Aldjia Bahmed est née le 10 mars 1920, à Ikhligene l’aînée d’une fratrie de sept (7). Sœur à 3 filles :
-Fatima (1 922),- Tama (1 934-2 013), et -Djamila (1 942-2 013) et de quatre (4) garçons : -Layachi (1935-1957), -Abdelkader (1 930-2012), -Mouloud (1 939), et -Khaled (1 944). Fille de Lakhder et d’Issaoune Menana. Mère de 05 enfants, uniquement des garçons :
-Saïd,- Yahia, -Abbés,- Boubekeur, et -Lyazid, et d’une fille morte en  bas âge.
L’épouse du  chahid l’Mouloud Ouali tombé aux champs d’honneur en 1959. Belle fille de Zenati  Ouardia  Nith  Chergui.

Elle se marie très jeune en 1935, elle avait alors juste 15 ans, elle n’a eu droit au  bonheur, que durant les premières années de mariage, car elle avait commencé très tôt à s’occuper seule de sa petite famille, son mari n’était presque jamais présent. Parti sous d’autres cieux à la recherche de travail, puis finis par incorporer l’armée de libération nationale jusqu’à sa mort. 
Pendant tout ce temps, elle prenait difficilement et patiemment soin de ses enfants avec courage, à l’image de toutes les veuves de chouhadas. Son gagne-pain était le travail de la terre et entre-temps elle parvenait à acquérir une machine à coudre et s’initia doucement, mais sûrement à l’apprentissage des  principes de la couture ;elle confectionna, ainsi, des robes et des pantalons qu’elle vendait ou troquait contre d’autres biens, elle s’en sortait admirablement bien, en arrivant même à faire quelques économies. 
Car, le jour, ou son mari était de retour de France pour des vacances ;et par la même occasion, il décida de reconstruire leur maison.une fois celle-ci achevée, il rassembla les maçons
autour d’un repas, il leur parla de son impossibilité de les payer, et qu’il lui fallait du temps pour rassembler tout l’argent nécessaire à la construction.
Quelle fut sa surprise, lorsque le beau-père présent parmi les invités sort une liesse de billets, en expliquant que c’est le résultat des  efforts de sa bru, en économisant chaque centime de son labeur.le mari heureux et fier de son épouse, paya les maçons, rubis sur ongle. 
NNA  Aldjia, elle, qui a vécu la période noire de 1939 à 1945 ou la faim, la famine, le chômage et la misère semblaient résumer la condition sociale de la population algérienne colonisée par la France, une population surtout agricole, et de  plus dans une Période de guerre, de sécheresse et d’invasion de criquets.les gens souffraient de la faim, certains ont dû se rabattre sur le caroube et le gland et quelques plantes sauvages comestibles comme seules nourritures. 
Une  fois, NNA  Aldjia, tard, dans la nuit, assise, dans la cour de la maison, désespérée et affligée par tant de morts, le grand dénuement et l’adversité, lève les mains vers le ciel, elle prie, elle sollicite le seigneur la bénédiction, et l’assistance afin de mettre un terme à la misère, et d’asseoir ainsi sa bonté et sa miséricorde sur terre.

Soudain, le lourd silence fut rompu par un éclair aux mille couleurs ;illumine le ciel dans sa totalité, on aurait dit le jour, ou un feu qui embrasait la montagne « Adrar ». Prise de panique, elle rentre chez elle et se met immédiatement au  lit, et se blottit contre ses enfants. 
Le lendemain matin, de bonne heure, elle frappa à la porte de la voisine, la doyenne du  village, à quelques paquets de maisons, à qui elle raconta toute l’histoire de la veille avec force détails. Celle-ci, toute subjuguée et conquise, s’empressa de répondre :
— « oh, ma fille, tu as été témoin d’un événement unique en son genre, une chance inouïe d’en tirer profit et d’exaucer tes vœux ;heureuse est la personne qui profitera des grâces de cette nuit, la nuit d’avant, quand le ciel a pris feu et qui s’ouvrait, cette nuit-là tu as assisté à la nuit du destin, ou la nuit de la puissance. (Leilet el qadr) ». 
Aldjia était déjà veuve à l’âge de 39 ans. Le jour où son mari fut abattu du  côté de Lafayette (Bougaa), les soldats français du  groupement du 4e régiment des  dragons stationnés à Guenzet, furent irruption dans le domicile familial ; malmenèrent femmes et enfants, puis fouillèrent la maison de fond  en  comble à  la  recherche de documents et d’armes, ils défoncèrent portes et brisèrent fenêtres et cassèrent vaisselles, ils poussèrent la fouille et leur haine à l’extrême en jetant et en mélangeant sur le sol semoule avec l’huile, café et lessive et tout ce qui était à portée de main.

L’officier ; accompagné d’un suppléant interprète, qui traduit les propos du  soldat, demande à Aldjia, photo en main.
— « Tu connais cet homme ? » dit l’officier
— « Bien sûr, c’est mon mari » répond-t-elle avec un air de fierté ?
— « On a mis fin à ses jours » ajoute l’officier. » Il est
mort, il nous a causé beaucoup d’ennuis", ajoute le harki. 
Aldjia manifesta ses émotions en faisant jaillir de ses entrailles des cris stridents, aigus et modulés que les femmes kabyles savent bien faire :
 Le youyou, et finis par cette phrase :
— « Tant mieux, il est mort en homme ».
Le harki irrité par la scène et sans hésiter, et d’un revers de la main, la jeta à terre.

À l’indépendance, pendant que d’autres défilaient et criaient leur joie, elle, pleurait sur son sort et ce que lui réservait le destin. 
Avec sa force intérieure et son fort caractère, elle endurait, s’accrochait, continuait sans  jamais abandonner en dépit des maladies, et de la fatigue, telle une lionne, elle survit avec ses enfants, tant bien  que  mal avec la misérable pension des moudjahidines à un dinar par jour. 
Elle était témoin de l’accident terrible de son fils cadet, victime de l’explosion d’une grenade destinée au père et qui n’a pas épargné le fils, lui causant un raccourcissement du membre inférieur droit après de longs mois d’hospitalisation juste à l’aube du jour de la victoire en 1962 ; puis comme si
le sort s’acharnait sur elle, un malheur en suit un autre, un peu plus tard, un autre accident survient sur le plus petit de ses fils aussi grave que le premier. 
Là, où va l’affligé ; trouve funérailles. Elle a vu, ensuite mourir sa belle-mère, Ouardia Uchergui (1 884-1 962), dans ses bras, sa mère Issaoune Menana, en 1970  à l’âge de 65 ans, son père Lakhder, en 1981  (1 889-1 981), âgé alors de 92 ans, son beau-frère Ali Ouali (1920-2005) et tout récemment ses deux sœurs Tama et Djamila et son frère Abdelkader (1 939-12 012).

Je ne l’ai jamais vue verser une larme, et pourtant toutes les femmes pleurent sans raison, elle le faisait sans  doute en cachette, car après tout ce qu’elle a enduré, elle a fini par perdre ses yeux et devint aveugle à jamais. 
Ne dit-on pas que la beauté d’une femme doit être dans ses yeux, car c’est la porte d’entrée de son cœur, le lieu où l’amour réside ? 
Elle, qui disait, c’est mon beau-père Saïd ; que dieu ait son âme me répétait assez souvent cette phrase : « Ma fille, tu survivras, et tu finiras par manger le pain bénit de tes enfants ».



la trilogie 

la voix de la montagne

                                                     La voix de la montagne

— Khaled, le plus jeune de la fratrie, celui qui est tombé amoureux de la terre, depuis qu’il a ouvert les yeux, au milieu des bovidés et de caprins.
Enchanté par la voix de la montagne, il a choisi de vivre en paysan même démuni, mais digne.Manger le pain, qu’importe qu’il soit d’orge, de blé, ou d’avoine, un pain honnête, blanc, gagné à la sueur du front, mais pas le pain de la courbette ni celui de la misère des grandes villes, Disait.il.

Resté au bled, il a travaillé la terre depuis toujours. Je ne changerais pas une brindille de mon patelin, contre tous les avantages de la vie citadine, répétait-il à satiété. Qu’elle soit difficile, rocailleuse, froide, dure, douloureuse parfois, mais, la compagne est majestueuse par ses arbres verdoyants, son soleil brûlant, ses mulets, chèvres, et poules, humanisées, son eau limpide et fraîche et son odeur particulière. 
Le paysan, par sa nature, est accoutumé aux grandes étendues, l’espace est capital, voire vital chez les natifs de la compagne.

Khaled ; peiné, par la perte de sa mère, à l’âge de 65 ans ; puis, suivi de la mort de son père, il ne pouvait pas, et en aucun cas quitter son village natal, il le savait, de façon profonde, par la voix du cœur et de la raison, c’est à cet endroit qu’il a jeté son ancre, pas ailleurs. 
Il avait un amour singulier, une symbiose magique avec la nature et les bêtes ; à tel point, qu’on le surnommait, l’homme qui parlait aux animaux.

Khaled, une fois grand-père, il s’est rendu à la Mecque, en compagnie de sa femme Djaouida, à son retour du pèlerinage, il n’hésita pas à troquer sa gandoura et son bâton pèlerin contre le bleu de travail et la gaule (amekhtaf), et avait repris le travail de la terre, car disait-il, le travail et aussi une dévotion.
Marié à Hafri Djaouida, d’Axxam Uhafi, la grande famille des Ait Hafi, qui englobe également la famille Hafir et Bouchefra

Djaouida a eu six (6) filles :
– Nacera (1970) épouse Keddour Djamal,
– Zahia(1973) qui a épousé Djamal Ouglal,
– Yamina(1974),
– Kenza (1984),
– Rafika (1981) qui a pris pour mari, son cousin du côté maternel, le fils à la défunte Djamila Bahmed, Bouchemla Kamel.
– Latifa, et enfin, deux (2) garçons :
– Ferhat (1975) et Lakhdar(1988).

Djaouida est la sœur à Lahcen, Abbas, Abdelkrim, et Ali Uhafi (Hafri), l’ancien transporteur clandestin. 



l'appel des sirenes

                                                    L’appel des sirènes

           — Mouloud, né en 1938, immigra, lui aussi en France, puis, il a pris toute sa famille en regroupement familial, épouse Fatiha (Wadda) Oubraham, la fille de Delloula Bahmed, d’Axxam oufella, née en 1947 et décédée des suites d’une longue maladie en 1979, avec laquelle il a eu quatre (4) garçons et une (1) fille :

– Toufik (1968) – Seddik (1975) – Chawki (1970) – Riad (1978) et – Salima (1972).

Celui qui était destiné à devenir fagotier, couper, ramasser et acheminer le bois, fait de troncs et de rondins, couper les arbres à la cognée, les scier, au passe-partout, un outil à large lame dentée et flexible, doté une poignée à chaque extrémité ; dans les lointaines collines, juste à l’aube de l’arrivée des premiers étourneaux en octobre.
Des essaims d’étourneaux et de grives qui envahissaient, près, et vergers à la recherche de l’olive gorgée de soleil ; ils venaient des pays du Nord. 
Ah ! Les étourneaux sansonnets, et leur murmuration, un nuage composé de milliers d’individus, ils offraient un spectacle saisissant, un ballet de va-et-vient à la recherche d’un endroit où passer la nuit, et prend le soir venu, des oliviers qui faisaient office de dortoir.

Ces volatiles, en plumage nuptial, aux plumes noires et irisées, font de l’olive arrivée à maturité, un met de choix, est très apprécié.
Les paysans, à leur tour, les chassaient pour leur viande, tendre avec un léger goût amer, cuite à la braise, et aussi à cause des dégâts qu’ils pouvaient causer aux récoltes, et les cultures maraîchères.  
Mouloud, faisait du fagotage sa principale activité, approvisionner l’âtre, constituer des réserves de bois, fagoter les branchages, débiter les bûches, avant l’arrivée du grand froid. Se chauffer, et cuisiner au bois est de mise, car en ces temps-là, il n’y avait ni électricité, ni gaz, ni eau dans les robinets. 
L’odeur du chêne vert se dégageait de la cheminée autour, de laquelle se rassemblaient petits et grands à écouter tamachahuth (le conte merveilleux). 
Ces contes et autres légendes, genres littéraires narratifs tirés de la tradition orale populaire et l’univers kabyles, où se côtoyaient l’ogre et l’ogresse, Velaajouth, la vache des orphelins, et autres animaux fantastiques.

Les longues veillées d’hiver, autour de la cheminée qui rassemblait autour d’elle toute la famille, un lieu magique qui assurait à la fois, chaleur et protection, agréable et conviviale, croquant le caroube, et écoutant les histoires de « bourourou », les yeux qui s’illuminaient à la lueur du quinquet, une lampe sortie directement d’un conte de fées, une sorte de lampe à pétrole surmontée d’un verre protégeant la flamme, qui nous retenait éveillé, luttant contre la fatigue et la lourdeur des yeux, pour ne rien rater de l’histoire racontée par la grand-mère. 
C’était aussi, la mise en fonction des huileries traditionnelles (maasra), avant que les routes ne soient bloquées, et deviennent impraticables et les maisons barricadées à l’arrivée des grandes neiges. 
Ces unités de transformation et de trituration des olives, qui avaient recourt à des moyens traditionnels.
L’extraction de l’huile s’accomplissait grâce aux mulets qui faisaient tourner deux grandes pierres cylindriques qui écrasaient, malaxaient, et rendaient les olives en une sorte de pâte, pressée manuellement par la suite, pour en tirer une huile, fluide, jaune comme de l’or. 
Mouloud, aidé par sa robustesse et son tempérament flegmatique, et jovial était le premier de la file, à se rendre aux champs et accompagner avec enthousiasme ses aînés, afin de leur montrer sa force et son assiduité.

Il ne tarda pas, à répondre aux chants de sirènes, envoûté par les voix venant d’outre-mer, il alla rejoindre son frère Abdelkader, ses cousins, et toute la communauté à Paris. Prendre le train de la grande ville, la ville de toutes les merveilles.Il quitta la terre ancestrale, qu’il ne revoyait que de temps à autre, le temps des vacances d’été.

Nostalgique, avec ce désir vague, accompagné de mélancolie, l’éloignement, les regrets du passé, tout cela le poussaient inlassablement à revenir vers son
village natal, qu’il parcourait, de long en large avec son automobile, une Peugeot 204 bleu ciel. 

le serment de Dda Ali

                                               Le testament de Dda Ali Umouche

– Ali Umouche, c’était un joyeux compère, et un bon vivant, notre gai luron du village, Dda Ali aimait s’amuser et les rigolades à la bonne franquette l’enchantaient. Chauffeur de taxi jusqu’à sa mort, il fut même chauffeur d’ambulance en Italie pendant la Seconde Guerre mondiale.

On lui reconnaît deux passions la musique ; et la passion de manger, car, jouer des mâchoires, et mettre plein la panse, vider une bouteille de soda d’un trait, c’est faire honneur à un repas disait-il. Il était un mangeur invétéré et un boulimique sans égal, on racontait qu’un enfant s’est pris de vertiges et d’évanouissement, juste en le regardant engloutir avec voracité, et vider des deux mains une corbeille pleine de figues. 
C’était aussi, un mordu de la musique, il appréciait spécialement, les instruments à vent, il ne ratait presque jamais une fête, un mariage, un baptême, pour étaler toute sa classe et se donner à cœur joie, avec son instrument préféré la cornemuse, qu’il chérissait comme un être humain. 
Il arrivait que les gens du village créent spontanément un événement juste pour le voir jouer, et c’est tout le village qui est en fête, petits et grands, se rassemblaient dans une ambiance conviviale et qui se terminait tard dans la nuit.

Dda Ali avait hérité d’une parcelle de terre au lieu dit l’ghar ughilas « (la tanière du tigre), il continua sur le même chemin de son père à l’entretenir avec amour. 
C’était un pot de terre à mi-chemin entre Guenzet et Aourir, parsemé de figuiers et d’oliviers, est considéré comme le plus productif de toute la région.

Dda Ali, se sentait profondément attaché à sa terre, que sa famille travaillait depuis des générations, il prodiguait des soins particuliers à ces arbres, car dit-il, prenons le figuier par exemple, un arbre majestueux, un monument végétal, à lui seul, il est une véritable biocénose, qu’on appelle l’écosystème de la caprification du ficus, des procédures majestueusement réglementées par des normes naturelles. Celui qui tire ses origines de son ancêtre sauvage le caprifiguier (dukkar), tout comme l’olivier qui descend de l’oléastre (azedoudj), on lui connaît deux variétés, les pouponnières (caprificus) et les pépinières, ceux qui ont un rôle de fécondation et ceux qui produisent des fruits comestibles. Autrement dit, les premiers assurent la fonction mâle, alors que les seconds la fonction femelle. 
Ce mode de fécondation suscite de l’admiration, voire de la dévolution, jugez-en : pour polliniser la figue, la caprification se fait à la faveur d’un insecte qui ouvre un trou au bas de la figue, et en absence de ce dernier, les cultivateurs suspendent sur les branches du figuier, des  figues sauvages pour que le blastophage assure la fécondation du fruit.             Mais dans les régions montagneuses, aux terrains maigres, poussiéreux et exposés à l’aquilon, la figue n’a pas besoin de caprification, car grâce à l’humidité qui dessèchent le fruit et favorisent la maturation et la chaleur qui fait perdre au fruit son suc laiteux et rendant son pédoncule cassant.

Dda Ali ajoute, le figuier est tellement enraciné dans le quotidien des paysans, qu’on le retrouve même dans le vocabulaire des montagnards, empruntés à un ensemble d’expressions qui résument la vie courante des villageois :- être généreux comme un figuier – fragile comme un figuier, en rapport à la fragilité de ses branches et sa générosité en fruits. La figue symbolise aussi la bienveillance et la fertilité en raison du  grand nombre de ses grains par l’expression : être juteuse comme une figue. 
Le figuier, est pareil au montagnard kabyle, sec et noueux, il se plait, autant sur les terrains arides et secs que sur des sols argileux.il peut atteindre entre 4 et 10 mètres de hauteur, et donne ses premiers fruits au bout de 4 ans, continue à produire jusqu’à 50 ans voire plus, avec un rendement de 30 à 80 kilogrammes de fruits.

Et à Dda Ali d’ajouter, dites-moi, y’a-t-il un arbre aussi tenace et prodigue que l’olivier ? L’arbre de la patience par excellence ; ne dit-on pas, le grand-père plante, le père taille et c’est le fils qui récolte les fruits.il est presque éternel, traverse les siècles par sa longévité, il est majestueux par sa taille. 
Cet arbre est étroitement lié à la vie rurale des paysans, quel est ce kabyle, fier et orgueilleux de sa montagne, qui ne voudrait pas être enterré sous un olivier ? il constitue la première espèce d’arbre fruitier planté principalement dans les collines et montagnes de Kabylie.il est aussi vénéré, respecté, l’arbre légendaire et mythique, car son fruit, l’olive, est source de nombreuses vertus.il est noueux et rugueux, mais c’est un arbre rassembleur, et qui réanime le réflexe de solidarité, à la cueillette des olives, et contre toute logique c’est en hivers qu’il porte ses fruits quand la froidure condamne à mort tous les autres arbres disait Mouloud Mammeri.

L’olivier et le figuier sont spécifiquement et typiquement kabyles, ils constituent la trilogie de l’arboriculture méditerranéenne au côté de la vigne. Ces deux arbres revêtent un caractère sacré pour des raisons multiples, nutritives et divines.
 
Dda Ali, sentant sa mort proche, exhorta ses enfants un jour de l’emmener à son champ, il se rendit, tantôt au pied d’un figuier, tantôt au pied d’un olivier, en les enlaçant, et en les embrassant, les larmes aux yeux, pour un dernier adieu. 
Il disait à ses enfants : « À ma mort, ne venez pas vous recueillir sur ma tombe, allez plutôt aux  champs et prenez soin des arbres ».

 Il nous a quittés en laissant derrière lui des souvenirs que l’on se remémore le temps d’un soupir.


mardi 6 janvier 2015

https://www.blogger.com/home

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la vie d'autrefois!

                                                      Yamina la grand-mére où imma zouzou

Yamina, dite Imma Zouzou (tamghart), où la vénérable femme, était aimable adorable, silencieuse et affectueuse, avec des gestes, quoique lents, mais empreints de douceur et de tendresse, la maitresse de la maison et le pilier de la famille. 
Quand l’homme vaquait aux affaires extérieures, la femme élevait les enfants, s’occupait de la cuisine, des animaux domestiques, et lorsqu’elle avait du temps libre, faisait de la poterie et du tissage. Elle tenait également le rôle de médiatrice entre les enfants et le père, car en ces temps-là les enfants ne pouvaient interpeler directement leur père. 
C’est autour de la grand-mère que petits et grands se rassemblaient, c’est une bibliothèque orale, c’est elle aussi qui se portait au-devant rassurait, conseillait, réconciliait, et recevait les invités.
Un jour, quand il faisait noir et froid, un inconnu était venu frapper à sa porte.

Elle alla avec vigueur à sa rencontre, un vieillard blotti dans un coin en solitaire, qu’importe dit- elle, qu’il soit un mendiant où autre, elle rentra vite à la maison. Imma Zouzou, sortit de nouveau les bras chargés de provisions, le bonhomme, était un colporteur, un marchand ambulant des campagnes, avec son burnous usé, ses gants de laine et sa canne à pointe de fer, ce vendeur à la criée, faisant du porte-à-porte, une balle de marchandises sur le dos, proposant un large éventail de produits ; du linge, tissu, rubans, pommades et potions, à la coutellerie, des objets les plus insignifiants aux plus exotiques. Pourtant le pauvre homme ne réalisait que de bien maigres profits et il acceptait bien volontiers, l’assiette de soupe, le bout de pain, que la vieille lui offrait, et le gite dans la grange ou l’écurie si toute fois, le maître de maison était d’accord. 
La grand-maman sortait à chaque fois qu’elle entendait la criée, toujours les bras chargés de denrées et de vêtements, le colporteur venait régulièrement en s’arrêtant spécialement devant le portillon, il s’assit en attendant la sortie de l’aïeule qui portait le caftan, jusqu’au jour, où l’attente fut longue, presque éternelle, et nulle porte ne s’ouvrait, il demanda alors au premier passant de ses nouvelles, la vieille était morte emporté par le froid de l’hiver, et le marchand, pleura longuement sa bienfaitrice, il se releva, en s’appuyant sur sa canne à la pointe de fer, il s’en alla pour toujours, en sachant que rien ne serait plus comme avant, car seule la vieille savait que celui qui se faisait passer par colporteur, afin qu’il n’éveille pas de soupçon, était en réalité un pauvre mendiant.   
 Imma Zouzou, avait pour habitude de nous servir, du petit-lait (ighi) et du beurre (udi), tiré du mouvement dû va et vient de la calebasse, une grosse courge, une fois séchée et vidée, sert à la fabrication d’ustensiles traditionnels tels que récipients et gourdes.
Ce laitage est toujours, accompagné de figues « tazarth ou inighmane » séchées au soleil, sur des claies (thidnit) en tiges tressées localement à l’automne, et sélectionnées parmi les meilleures variétés, dont, la succulente figue, appelée goutte d’or, sucrée et moelleuse, et lorsqu’elle est mure et à point, une vraie goutte de miel s’écoule sur son extrémité.  
Conditionnées et bien conservées, comme l’huile d’olive, dans d’énormes jarres en terre cuite « achvali », scellées par de l’argile, et dans, de plus petites « thakhavit », à partir desquelles, ils puisaient la ration journalière.
Sans oublier la galette « aghroum », le pain kabyle, servi chaud, trompé dans de l’huile, un met délicieux et apprécié. 
À sa mort,
Lakhdar était contraint de prendre une seconde femme, qui meurt quelque temps après, à la suite des complications d’une maladie chronique.

Lakhder a donné naissance à quatre (4) garçons Ayachi-Abdelkader-Mouloud et Khaled, et quatre (4) filles, Aldjia Taklit Tama et Djamila.
            – Ayachi, Chahid, né en 1935 et mort 1957, durant la guerre de libération nationale.       

                   – Abdelkader, l’ex-immigré et le mari à Khadîdja.

La parabole du vert et du bleu, « ccah yahwa-yagh »

NB : Ce texte, par son contenu, va peut-être fâcher certains d’entre vous, qu’ils trouvent ici toute ma sympathie et ma b...