mardi 10 mars 2015

"amaghroukh"

                                 ou l’étrange histoire du légendaire
                                         Taieb le prédiseur
C’est au mois de juin, sur la route qui monte, et qui monte inexorablement vers le ciel, une éternelle montée qui n’en finissait presque jamais, de virage en virage, et de cote à une autre, la route Bordj-Zemmoura — Guenzet, un véritable mur d’asphalte, creusé dans le roc, serpente à travers une forêt dense, de pins et de caroube sur une altitude avoisinant 1 200 mètres.
une fois arrivés, en haut sur la crête, elle offrait aux yeux, un paysage pittoresque et un spectacle de rêve à couper le souffle.

La voiture, dont, le ronflement de plus en plus grandissant et bruyant, un vieux tacot qui peignait à franchir cette cote abrupte, pareille à une citadelle, on aurait dit, un vieillard qui toussait. au volant se trouve, Abbes Abderrahmane, le plombier, comme on aimait l’appeler. À son côté, le frangin, Boubekeur, un artiste de profession, est moi-même sur le siège arrière.
Abbés ;est un homme qui a passé une partie de sa jeunesse à trimballer entre Guenzet, son village natal et Paris, la résidence de son père Mahfoud, celui-ci avait rejoint tôt la capitale Française, pour y travailler, comme tous ses semblables à cette époque, en laissant femme et enfants au bled.
et Abbes, commença ainsi son récit :
C’est par un temps pluvieux, morose, un temps où il ne fallait pas mettre un chien dehors que paradoxalement, ce jour-là, je me trouvais à l’extérieur.au détour d’une vieille bâtisse, je fis la rencontre d’une personne qui me parla longuement, et me raconta avec détails l’histoire rocambolesque et incroyable d’un certain Taieb de Bouzoulith, que je connaissais d'ailleurs parfaitement, car non seulement Taieb était de mon âge, mais on fréquentait la même école primaire. Issu d’un milieu pauvre, il a dû quitter, très tôt les bancs de l’école, pour travailler comme garçon de café chez « Bernik », un café maure au coin est, de la placette du village à Lotta n’souk (le terrain plat du marché).
Un jour, Taieb, au petit matin, juste à l’aurore après la prière du Fedjr, préparant le café à quelques clients habitués. Brusquement, pris d’étourdissement, sans aucun prodrome, perd connaissance, et sombre dans un sommeil profond. Les clients las d’attendre, se précipitent vers l’arrière-cour, et trouvent, le corps de Taieb inerte presque sans vie, allongé par terre. Ramené chez lui, il resta ainsi dans cet état de léthargie totale, pendant plus de deux ans, jour pour jour, sans parler à personne.
Ce jour-là ; le jour où il pleuvait à torrents, Taieb se réveilla de son sommeil, mais plus comme avant, un nouveau Taieb est né, plus loquace, et prolixe, il prédisait l’avenir dit-on ! Et tout le monde accourrait vers lui. Abbés, son ami d’enfance, comme tous les autres, décide de lui rendre visite, et s’enquérir de son état de santé, dès qu’il franchit le seuil de la porte, il fut accueilli par un large sourire et une phrase qui resta gravée dans sa mémoire et Taieb à l’adresse d’abbés dit :
— « Bonjour le Parisien ! » Ce dernier éberlué et un peu agité répond avec pudeur :
— « Moi Parisien, c’est du domaine de l’impossible, car non seulement je suis cloué dans ce village, et sans espoir de sortie, mais aussi, il m’est impossible de quitter le sol algérien, car je vais, dans peu de temps, incorporer le service national ? ».. Taieb, un bel homme à la chevelure blonde, crispe le visage davantage, sûr de lui, hausse le ton de façon dictatorial, répond :
— » Tu partiras, et c’est pour bientôt, je ne le répéterais pas une seconde fois .
Quelques mois plus tard, après l’intervention énergique d’une tierce personne, Abbes, passe les frontières à partir de l’aéroport d’Alger, qui coïncidait bizarrement, avec le même jour de l’ordre d’appel, et rejoint ainsi, ses parents en France, en regroupement familial.
Le jour, où il pleuvait comme des cordes, Abbés en sortant de chez Taieb, le voyant, avait l’esprit perturbé et intrigué par ce qui venait de se passer, emprunte les ruelles escarpées de Bouzoulith et descend à grandes enjambées vers Tadarth, pour rejoindre son domicile. Là, il rencontre son voisin, un certain Saïd, bien plus âgé, convoyeur de bus qui fait la navette Guenzet — Bougaa, et par hasard, lui demande de l’accompagner à son tour, voir Taieb. car, dit-il 
— « Je dois éclaircir certaines choses qui me taraudent l’esprit ». Abbés, hésitant d’abord, car il venait juste de sortir de chez Taieb, puis finit, après insistance de son voisin, et décide ensemble de se rendre au domicile du prédiseur.
Aux cours de route, Saïd se tourne vers Abbes, et le questionne 
— « Au faîte dit-il, quels sont ses honoraires, ou bien dois-je lui prendre quelque chose ? ».
Abbes répond d’un ton nonchalant : — « Donne-lui juste quelques pièces de monnaie, ou mieux un paquet de cigarettes ».
Les deux hommes arrivèrent chez Taieb, celui qui lisait dans les pensées, relève légèrement la tête, fait une petite grimace, regarde Abbes du coin de l’œil, et dit :
— « Encore, toi ? »
Abbes s’empresse de répondre :
— « Ce n’est pas pour moi « dit-il », c’est ce monsieur, en désignant du doigt Saïd, qui a quelques soucis et qui m’a prié de l’accompagner » Et pour donner du crédit à ses propos ; Abbes finit par ajouter :
— « D’ailleurs, il avait tellement peur de venir tout seul, il m’a supplié de l’accompagner, et au cours de route, il m’a dit qu’il ne croit pas en toi, et que tout ce que fait Taieb est de la poudre aux yeux, il berne les pauvres gens sans instruction, et sans savoir ! ».
Taieb, calme, et imperturbable, sans aucun signe d’énervement, regarde stoïquement Saïd droit dans les yeux, et lâche :
— Je sais, et je devine la raison qui t’amène, et si tu ne crois pas, de quoi Taieb est capable ». Et Taieb, hausse le ton :
— « Ce soir et à une heure tardive, que tu choisiras toi-même, ou à n’importe quel moment, je m’inviterai chez toi, et pour te signaler ma présence, je ferais tomber une assiette, un verre ou te tirer la couverture ! ». Et ajoute :
— « D’ailleurs, tu travailles comme receveur de bus chez untel, et pas plus tard que ce lundi passé de retour du tribunal de Bougaa, pour affaire qui te concernait, laquelle trouvera bientôt une solution, dans les jours à venir, car tu divorceras de ta femme et tu prendras une autre, de ton entourage ». Taieb de plus en plus précis continu :
« Dans le bus, qui te ramenait vers Guenzet, tu étais assis à l’avant du véhicule en compagnie de quelques personnes que je nommerais sans difficulté, si tu n’es pas encore convaincu ». Insiste-t-il !.
Saïd n’en revenait pas, il avait trop de détails dans le récit de Taieb, tout y était, à tel point qu’il lui semblait qu’il était parmi eux, se lève et pour se justifier, lance en direction de Taieb :
— « Par la grâce de Dieu, dit-il et je, jure, sur la tête de ma mère, je n’ai rien dit de tels, c’est Abbes qui en fait un peu trop, il exagère ». Et ajoute :
— « Tout ce que tu as dit est vrai, et je crois fermement en toi », et fini par lâcher, la peur au ventre :
— » Ce n’est pas la peine de faire intrusion chez moi, j’en suis convaincu de tes capacités ». Mais au fond de lui-même, Saïd était rangé par le doute et pour tester encore Taieb, il lui dit :
— « Je suis venue te demander conseil, au sujet du mariage de mon frère aîné, Mohand, reviendra-t-il de France et qui prendra-t-il comme épouse ? »
Taieb, après un bon moment de réflexion, et de silence, répond :
— « Ton frère, Mohand épousera une femme de Taneqoucht (les petits terrains cultivables à la pioche) dont le père est le propriétaire d’un magasin d’alimentation générale à Lotta n’souk (le terrain plat du marché) cet homme très connu sur la place, petit de taille et porte un tarbouche, appelé aussi le fez, une sorte de couvre-chef, en forme de cône et rigide, de couleur rouge ». et Taieb ajoute :
— « Abbes en sait quelque chose, car ce matin même, il était avec lui ! »
Pour un temps, le temps où, dehors il pleuvait sans arrêt, à l’intérieur régnait un silence de mort ; Saïd, ostracisé par tout ce qu’il venait de vivre, s’excuse et prend précipitamment congé.
Effectivement, les choses se passèrent comme prédit, Mohand prend pour épouse Fatima, la fille du propriétaire du magasin de Lotta n’souk, et s’établirent tous les deux en France.
Comme le hasard fait bien les choses, quelque temps plus tard ; le jour, où il ne pleuvait plus, le jour où il faisait beau, en plein Paris, Abbes, Mohand et sa femme se retrouvèrent autour d’un dîner de famille.
Abbés a eu le plaisir de raconter à Fatima, toute l’histoire de son union avec Mohand, qu’elle trouva originale, mais resta un peu sceptique.

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