La Fierté cachée de mon
village
mort, dans
l’anonymat le plus total, cet homme discret, doué d’une grande intelligence,
brave, un perfectionniste de la ruse, un parfait francophone, cet oublié de l’histoire,
sa maison servait de base arrière, un lieu de rencontre, et un quartier général
des moudjahidines durant la guerre d’Algérie.
Aux
yeux de tout le monde, il était un commis de l’État français, car, en ce
temps-là, il occupait le poste de vis président de l’hôtel de ville de Guenzet,
rien ne lui échappait, il était au courant de tout, jusqu’aux moindres détails ;
il était l’intermédiaire souhaité des Français, car, sa première femme était
Française, les villageois aussi trouvaient leur compte, en l’approchant à
chaque fois qu’ils le désiraient, pour régler leurs problèmes quotidiens. Il
était le frère, le père, l’ami, le confident, de chacun.
On
l’aimait bien ce petit bonhomme, de petite taille ; avec sa moustache, et
ses cheveux coupés à raz.
Il
était aussi et surtout, un véritable soutien, et un puits inépuisable de
renseignements, il était l’éclaireur, et le passe-partout des moudjahidines, il
arrive qu’il accrochât un foulard vert sur le minaret de la mosquée, pour leur
signaler que la voie était libre et qu’ils peuvent rentrer au village sans
danger. Et lorsqu’il mettait un autre de couleur rouge, il leur signifie qu’il
y avait anguille sous Roche. Ou de prendre la place du Muezzin et faire l’appel
à la prière à des moments inopportuns. Il est arrivé même à cacher côte à côte,
dans une chambre des moudjahidines et dans l’autre occupée par des soldats
français sans que ces derniers s’en rendent compte de la supercherie.
Notre
mère (Aldjia Bahmed), une femme d’un caractère solide, et d’un courage
exemplaire, fille de Lakhder Bahmed et Issaoune Menana, épouse du chaud Mouloud
Ouali, âgée alors de 35 ans, nous racontait les péripéties de cet homme hors du
commun : un jour dit-elle, je fus invitée à me rendre chez lui, une maison
à quelques mètres de la notre, située juste derrière la grande mosquée laaraf.
Une
fois arrivée, je me suis retrouvée dans une chambre, en face d’une dizaine d’hommes,
assis à même le sol, tous armés et en tenues militaires, après salutations, l’un
d’eux, leur chef, me semble-t-il, s’adressa à moi en me demandant à m’identifier,
une fois fait, il se présenta, comme étant un officier de l’ALN, chargé du
contrôle de la distribution des cotisations destinées aux orphelins,
prisonniers et veufs de chahid, et me questionna sur la date des dernières
mensualités reçues, à la question, je répondis instantanément, et sans hésitation
que je n’ai reçu aucune mensualité depuis des mois, voire 2 à 3 ans, l’homme l’air
intrigué, me reposa la question une seconde fois en ajoutant :
—
« Vous êtes certaine, Madame ? »
Ma
réponse fut sèche et sans ambiguïté :
—
« Rien Monsieur, absolument rien ».
Le
chef se tourna vers ses collègues, discutèrent un bon moment entre eux, puis le
chef, s’adressant de nouveau.
— <<
d’habitude de qui recevez-vous cet argent « dit-il ?
—
« De mon oncle » dis-je.
Ce
dernier fut emmené illico presto, et confirma mes dires, lui non plus n’a pas
reçu d’argent du chargé de la distribution depuis des mois.
Pendant
un bon moment, un silence lourd régnait dans la pièce, et l’on sentait que les
choses allaient prendre une grave tournure.
—
« Rentrez chez vous » dit le chef, vous allez bientôt recevoir votre
dû, et on tirera les choses au clair.
Une
enquête fut diligentée, et quelques jours après, a abouti à la découverte du
pot aux roses, le chargé de la distribution, un untel d’une grande famille de
la commune (sans
le nommer), détournait à son profit l’argent de la collecte, un argent
normalement destiné aux nécessiteux et aux pauvres du village.
On
convoqua le coupable, et on lui intima l’ordre de rendre la totalité de la somme,
et ,il a dû vendre terres et bien de toute sa famille pour la rassembler, et
tous récupérèrent leur argent aux derniers centimes près.
Le grand,
petit bonhomme, l’oublié de l’histoire, était derrière la destitution et le
bannissement à jamais hors du village du préposé à la collecte du moins pour un
temps.
Ce brave
homme, sauvera également d’une mort certaine plusieurs moudjahidines, il
secourut d’autres, défendait les intérêts des villageois auprès de l’administration
coloniale, et ne ménageait aucun effort pour venir en aide aux démunis.
DDA lahcen
Uabbas, de son vrai nom, Abbés Seddik né le 23 décembre 1917 à ikhligene, c’est
de lui qu’il s’agit, mourut, comme le commun des mortels, sans jamais être
reconnu comme un militant de la cause nationale par les autorités de sa
commune, il fut enterré le 26 juin 1986 parmi les siens dans l’anonymat le
plus total.
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