- Du mythe de l’isolat kabyle
de :Nedjma Abdelfettah Lalmi (1959/2010)
Guenzet… au bout du monde ·
29 Au
début du siècle, le pays des Ath Ya’la avait servi de refuge au chérif
Benlahrache, membre de l (...)
48 .Entre les villes de
Sétif et Béjaïa, dans la partie occidentale et berbérophone du massif du
Guergour, se situe Guenzet, modeste chef-lieu du territoire de la tribu des Ath
Ya’la. Leurs voisins du village de Harbil raillent les Guenzatis pour leur
situation excentrée et considèrent celle-ci comme une punition divine pour leur
mauvaise langue. Quand les hivers sont rudes et qu’il neige normalement,
Guenzet peut aujourd’hui encore se trouver dans un isolement presque total. À
tel point qu’un récit du xixe siècle d’une
expédition punitive contre les Ath Ya’la parce qu’ils avaient hébergé le chérif
insurgé Boubaghla29, montre toute
l’hésitation des troupes françaises à aborder ce territoire du bout du monde. 49 .Cet isolement fait apparaître comme plutôt paradoxal le portrait qu’en
trace E. Carette (1848) dans Études sur la Kabylie proprement dite : on trouve à Guenzet, dit-il, des maisons à étages construites sur le
modèle de celles d’Alger. Il y a plusieurs mosquées, dont une à minaret.
Certains ménages guenzatis ou ya’laouis ont une vaisselle en cuivre, des
domestiques, voire exceptionnellement des esclaves. Il y a enfin un artisanat
actif et un marché hebdomadaire fréquenté par différentes tribus, voire par des
gens venant de ce que les Ath Ya’la appellent « Tamurt n waεraben » (« le pays des Arabes »), c’est-à-dire le versant arabophone
du Guergour ou les plaines du Sétifois
·
30 Dont est
originaire Al Warthilânî. ·
31 Une mosquée.
50 .Tout comme leurs
voisins proches Ath Wertirane30 ou Ath ‘Abbas, les Ath
Ya’la ont un fondouk à Constantine et même, selon certains témoins, dans la
lointaine Mascara à l’ouest. Ces tribus ne sont pas les seules de la région à
avoir une vocation à s’exporter. La toponymie précoloniale nous révèle
l’existence d’un djame’31 des Ath Chebana à
Alger, les célèbres Ath Melikeuch auraient même été les compagnons de Bologhîn
Ibn Zîrî lors de la fondation d’Alger au Moyen-Âge. La pratique de l’« acheyed », qui mélange
colportage, troc, travail saisonnier et activités d’enseignement de l’arabe et
du Coran est encore dans les mémoires.
·
32 Expédition pour
la perception de l’impôt.
51.À y regarder de plus
près, on voit d’ailleurs bien que le massif du Guergour se situe presque en
droite ligne, à mi-chemin entre la première et la deuxième capitale du royaume
médiéval hammadite : la Qal’a des Béni Hammâd et Béjaïa. Non loin de là,
se trouve aussi Achir, la première capitale ziride, Gal’a ou la Qal’a des Ath
Abbès (les Labbès des sources espagnoles) et la Medjana, fief des Mokrani. Ici
passe le Triq essoltane (la route royale du Moyen-Âge, la route de la Mehalla)32.
52.Selon Ibn Khaldûn, les
Ath Ya’la seraient partis de la Qal’a des Béni Hammâd, fuyant les Hilaliens
vers la fin du xie siècle (Gaïd
1990 ; Féraud 1868). Mais la région semble avoir connu une occupation
humaine très ancienne et le massif du Guergour n’a pas manqué d’être la
destination d’archéologues antiquisants (Leschi 1941). La tribu, comme toutes les
tribus, est une longue histoire faite de mélanges et d’agrégations successives,
d’éclatements aussi.
53.Le deuxième auteur à
évoquer les Ath Ya’la est un homme du xvie siècle. Il s’agit d’Al Marînî, dont le
texte est retrouvé par Laurent-Charles Féraud, justement à Guenzet, dans la
famille maraboutique des Aktouf. L’ouvrage est en quelque sorte une parole
intérieure qui polémique ni plus ni moins avec Léon l’Africain, Marmol et
autres sur leurs versions de l’occupation de Béjaïa par les Espagnols.
Al Marînî (1868) y relate le récit de la destruction et du pillage de la
ville, la résistance à l’occupation et évoque l’exode de ses habitants, dont de
nombreux Andalous, réfugiés dans les montagnes kabyles, notamment chez les Ath
Ya’la mais aussi chez les Zouaouas.
54Le troisième texte
date du xviiie siècle. Il
s’agit de la fameuse Rihlad’Al Warthilânî,
récit de voyage à La Mecque et chronique de la situation politique de la Kabylie
à cette époque. Si on le redécouvre aujourd’hui, les lectures qu’on en fait
laissent parfois perplexes. Elles servent à mettre en exergue une
« tiédeur religieuse » propre à la Kabylie, là où l’auteur montre que
cette tiédeur est plutôt bien partagée, s’époumonant, comme le montre de façon
détaillée Sami Bargaoui, à dénoncer certaines « libertés » combattues
par Ibn Tumert en son temps, aussi bien à Béjaïa que chez les Iwendajène
d’Amizour, à Guenzet, sur le mont Boutaleb, à Sétif, dans le bordj turc de
Zemmoura, chez les Oulâd Naïl, dans l’actuelle Tunisie… et même à Médine,
c’est-à-dire aussi bien en territoire arabophone que berbérophone, citadin que
rural, maghrébin qu’oriental.
·
33 Ligues,
factions.
55.Ce qu’on a, par
ailleurs, tendance à lire comme la confirmation de perpétuels conflits entre
les soffs33, où il intervenait
comme marabout intercesseur, et donc comme soi-disant élément extérieur à la
société kabyle, nous semble aussi peu convaincant. Al Warthilânî, acquis aux
Turcs (contrairement à son père, semble-t-il, qui refusait de faire la prière
derrière un imam payé par la Régence), s’en va pacifier la Kabylie pour
l’amener à l’obéissance, après une fetwa des ‘ulamas de Béjaïa,
qui rendait cette mission obligatoire pour tout ‘alem. Ce qu’il décrit, ce sont
les divisions qui touchent y compris les lignages maraboutiques et les zaouias
dans un processus de reconfiguration, de renégociation de la médiation entre le
pouvoir central et les sociétés locales, nous semble-t-il.
56.Ce qu’il négocie,
c’est aussi, comme le rappelle Bargaoui, sa propre place dans le processus en
cours. Il suffit de repenser à l’importance du comité d’accueil qui vient à sa
rencontre à l’entrée de Béjaïa pour s’en convaincre. Il y a là cadi et caïd, mais il y a surtout,
les descendants des Mokrani de Béjaïa, ceux dont l’aïeul a transporté sa zaouia du village d’Ama’dan
vers la ville, à la demande des Turcs. Les Mokrani règnent depuis sur la karasta, ou exploitation des
bois de forêt pour le compte de la flotte turque (Féraud 1868-1869). C’est dire
que les enjeux tant matériels que symboliques sont fondamentaux dans la
démarche de ce « réformateur ».
57.Ce qu’il nous donne à voir en
tout cas, c’est un maillage plutôt serré du réseau des zaouias en Kabylie, à un
moment décrit généralement comme celui où la naissance de la Rahmânya permet la naissance de cette région à l’universalité islamique.
·
34 Nous empruntons
l’expression à Jacques-Jawhar Vignet-Zunz(1994). 35 La bourgade.
Remarquons que la notion même suggère une idée d’urbanisation. 58.Qui dit réseau de
zaouias, dit usages et circulation de l’écrit, points d’ancrage de cultures
lettrées. Un de ces points d’ancrage, connu comme tel jusqu’à nos jours, est « beldat »35 Guenzet et plus
largement le territoire des Ath Ya’la, où circule cet adage « Au pays des
Béni Ya’la, poussent les ‘ulamas, comme pousse l’herbe au printemps ».
Certains auteurs, comme Al Mehdi Bouabdelli, n’hésitent pas à comparer le
niveau d’enseignement chez les Béni Ya’la à celui de la Zitouna et des
Qarawiyine. ·
36 Le terme
signifie montagnards, mais dans ce cas, comme le terme de Qbaïl, il devient
ethnonyme.
59.Comment et pourquoi de
tels points d’ancrage se constituent-ils en montagne ? Jacques Vignet-Zunz
nous semble avancer un modèle explicatif tout à fait applicable à la Kabylie.
Étudiant la communauté des Jbala36 du sud-ouest marocain,
il évoque :
·
37 Pôle, degré
supérieur dans la hiérarchie soufie de l’intercession.
– la proximité
« d’une vieille couronne urbaine remontant souvent à l’Antiquité et en
tout cas à l’époque de l’étroite communication avec
Al Andalus » ;
– le recours à ces montagnes comme lieux de refuge par des princes idrissides abandonnant Fès dans des moments de crise ;
– la retraite qu’y opère le « Qutb »37 Mulay Abdeslem Ben Mechich « introducteur du mysticisme au Maroc » ;
– le djihad et la littérature à laquelle il donne lieu, face aux Portugais et aux Espagnols, et qui permettra l’ascension de nouveaux chérifs, avec attribution « d’Azibs » et de « Horms », fiefs comportant des mesures d’exemption d’impôts.
– le recours à ces montagnes comme lieux de refuge par des princes idrissides abandonnant Fès dans des moments de crise ;
– la retraite qu’y opère le « Qutb »37 Mulay Abdeslem Ben Mechich « introducteur du mysticisme au Maroc » ;
– le djihad et la littérature à laquelle il donne lieu, face aux Portugais et aux Espagnols, et qui permettra l’ascension de nouveaux chérifs, avec attribution « d’Azibs » et de « Horms », fiefs comportant des mesures d’exemption d’impôts.
60.S’appuyant sur les
travaux de L. Fontaine (1990, 1993), Vignet-Zunz (1994 : 206) propose
aussi une explication économique des origines de l’implantation de l’écrit dans
ces milieux montagnards : « … [i]l semble y avoir des indices
concordants, de part et d’autre de la Méditerranée (et parfois assez loin en
arrière de ses rivages), non pas d’une affinité précise entre l’altitude et
l’ascèse de l’étude, mais d’une intense relation, en un temps T, entre une
montagne et des cités proches (née d’un enchaînement de facteurs, notamment la
demande forte, à un moment du passé de ces régions, de produits de la montagne
ou en transit par la montagne…) créant les conditions d’une implantation de
l’écrit là où on ne l’attendait pas nécessairement. »
·
38 El Bekri signale
déjà au xie siècle la forte
présence d’Andalous à Béjaïa. Par ailleurs, les Hamma (...)·
39 Pour rappel, une
des figures de ce djihadétait Abu Yahia
Zakaria Az-zwawi.
61.De la couronne urbaine
datant de l’Antiquité à l’étroite communication avec Al Andalus38, à l’usage des
montagnes kabyles comme refuges par des élites de tout ordre durant les
périodes de crises ou de guerres, à la présence d’un Qutb (le saint Sidi
Boumédiène), à l’existence d’une littérature du djihad face notamment aux
Espagnols39 et à l’émergence alors
de nouveaux chérifs, tout correspond à la situation de la Kabylie pré-ottomane.
Tout, y compris la relation économique impliquant un usage de l’écrit. ·
40 Il y a fort à
parier que les zouaves qui servent le bey de Tunis suivent des voies tracées
par leu (...)·
41 « Dans les
montagnes, en effet, se trouvent presque toutes les ressources du sous-sol
méditerranée (...)·
42 Le recours à des
termes arabes de amin, amin el umana, tamen(secrétaire,
super-secrétaire, garant (...)
62.Si l’on admet que la
montagne kabyle, comme les autres montagnes de la Méditerranée, a été
« indispensable à la vie des villes, des plaines » (Braudel
1990 : 50), que la faim montagnarde a été « la grande pourvoyeuse de
ces descentes… [permettant de renouveler] le stock humain d’en bas » (ibid. : 52), que depuis le
Moyen-Âge au moins, elle fournit à l’État à Tunis ou à Béjaïa des migrations
militaires40, car « toutes
les montagnes, ou peu s’en faut, sont des “cantons suisses” » (ibid. : 53, 445
n. 116) ; si tout simplement l’on admet que la Kabylie a eu ses
villes, ses liens aux villes et en particulier à Béjaïa, Dellys, Alger (et des
villes de moindre importance, qu’on hésite à considérer comme telles), où elle
exporte son surplus humain, ses matières premières venues de ses mines et
carrières41, où elle écoule
les ressources décrites par Al Idrissi pour le Moyen-Âge par exemple,
comme elle écoule à partir du xviiie siècle le bois
de ses forêts pour les besoins de la flotte ottomane. Si l’on admet que les
assemblées villageoises sont peut-être la preuve du contraire de ce qu’on leur
a toujours fait dire, à savoir, qu’elles sont justement la preuve de
l’existence d’une relation en mutation à l’État et à d’autres formes de
centralisation politique (ce dont l’arabisation des noms de fonctions dans les Tajmaεt, pourrait témoigner)42 ; que le
miracle « Rahmânya » est un moment certes
important mais qui se situe dans une histoire religieuse antérieure longue de
plusieurs siècles, un autre rapport peut alors aussi être dépoussiéré : le
rapport à l’écrit.
63.Piégés par les effets
du « mythe kabyle » qui divisent les lecteurs de la Kabylie en deux
grosses catégories, ceux qui la surévaluent et ceux qui la sur-dévaluent, nous
avons bien du mal à objectiver nos interrogations les plus élémentaires et à ne
pas développer des « attentes » contradictoires envers cette région,
attentes conformes aux représentations positives ou négatives dépréciatrices,
comme le souligne Kamel Chachoua (2002).
64.S’accorder à dire, par
exemple, en reprenant un modèle de Jack Goody, que la Kabylie a été un lieu de
« scripturalité restreinte » interpelle, tant il nous semble tomber
sous le sens : il est normal qu’un pays montagneux, rural, ne soit qu’un
lieu de scripturalité restreinte avant le xxe siècle, avant la démocratisation de la scolarité
somme toute bien récente à l’échelle universelle. Peut-être faut-il prendre les
choses exactement dans le sens inverse et s’étonner positivement que, dans de
telles conditions, il ait pu exister une culture lettrée et une pratique de
l’écrit, dont nous avons tenté d’esquisser plus haut une explication des origines
probables et qui reste à évaluer précisément et objectivement.
65.Plusieurs pistes
s’offriraient aux chercheurs qui tenteraient cette évaluation. Si l’on s’en
tient au Guergour, on peut par exemple noter l’étonnement des rapporteurs
chargés de rédiger les procès-verbaux de la délimitation des territoires des
différentes tribus de la commune, lors de l’entrée en application du
Sénatus-consulte. Ces rapporteurs relèvent que la quasi-totalité des
propriétaires ont des actes écrits et des contrats rédigés le plus souvent par
des lettrés locaux ou par des cadis.
66.On peut rappeler tout
l’intérêt de la bibliothèque du Cheikh Lmuhub, exhumée par les chercheurs de
l’université de Béjaïa, Djamel-Eddine Mechhed et Djamil Aïssani, au milieu des
années 1990. Non seulement le fonds étonne par la quantité des manuscrits (près
de 500) qui le composent, mais aussi par leur variété. On y trouve entre
autres, comme le soulignent les deux chercheurs, les traces d’un système de
prêt et d’échange avec les ‘ulamas des localités environnantes. On y trouve un
fonds de correspondance et même un manuscrit en berbère, outil
pédagogico-ludique destiné aux enfants et servant à faire la transition entre
l’usage de la langue maternelle et celui de la langue d’enseignement ; un
cours de langue syriaque, des chroniques historiques locales à côté des
classiques traités de fiqh, adab, astronomie,
mathématiques, botanique, médecine, etc. ·
43 Le rôle de
l’expansionnisme espagnol dans une telle universalisation nous semble évident.
67.On peut aussi
s’arrêter à l’usage curieux dans un tel cadre spatio-temporel, d’un terme
spécial pour désigner les bibliothèques aussi bien dans le sens de meuble
destiné à ranger les livres, que dans le sens (chez les cheikhs les plus aisés)
de pièce consacrée aux livres et à l’étude. En effet, à Guenzet certaines
familles recourent au terme de Tarma (avec un t emphatique)
pour nommer la bibliothèque. Or voilà un mot qu’on retrouve en usage de l’Irak
au Pérou43 dans des
significations proches de meuble ou de pièce ou maison en bois, dont l’origine
semble latine (tarum : bois d’aloès) et qui,
dans l’arabe marocain, signifie aussi « placard à rayons et deux battants
pratiqué dans l’épaisseur du mur » ou « grande armoire ».
·
44 Village, hameau.
68.Que ce mot soit arrivé
dans les bagages de réfugiés andalous ou de lettrés béjaouis (Al Warthilânî,
par exemple se dit descendant du saint Sidi Ali Al Bekkaï et est lié par des
alliances matrimoniales aux descendants de Sidi Mhand Amokrane, saint patron de
la ville), ou encore par des acteurs locaux dans leurs échanges ou déplacements ;
qu’il soit le fruit d’échanges avec la garnison espagnole, peu importe. Il
constitue de toute façon un indice de l’existence d’un lien au monde, au-delà
des frontières de « Taddart »44.
69.Ce lien au monde et à
la ville est confirmé par cet art du Guergour, art de synthèse entre les formes
géométriques berbères et les motifs arrondis et floraux, qui a surpris Lucien
Golvin (1955) dans son étude sur le tapis de cette région. Si Golvin privilégie
l’influence de la lointaine Anatolie, Louis-Robert Godon (1996), dans son étude
sur les portes et coffres des Ath Ya’la, regarde vers Béjaïa, dont le nom est
d’ailleurs porté par des pièces de ces produits (serrures et cadenas de Bougie),
ou vers Tunis et le sud de l’Espagne !
70.On peut encore lire un
indice de ce lien dans ces épées retrouvées dans la mosquée de Tiqnicheout et
rapportées, selon Féraud, par des guerriers des Ath Ya’la qui avaient participé
à la défense de la ville côtière de Jijel contre une attaque normande. Il est
dans l’existence d’une communauté d’orfèvres juifs à Taourirt n Ya’qub (la
colline de Jacob) qui ne quittent les lieux qu’en 1850 (Bel 1917 cité dans
Godon 1996 : 90). Il est aussi dans les chansons et poésies populaires et
pour Béjaïa dans les paroles de Chérif Kheddam « Bgayeth
telha, d erruh n leqbayel » (« Béjaïa est belle, elle est l’âme
des Kabyles ») !
·
45 Une histoire de
la colonisation, de la genèse du nationalisme algérien ou encore l’histoire des
lu (...) 46 La lecture d’un
des premiers auteurs coloniaux, Joanny Pharaon (1835), nous conforte
dans cette id(...)
71.Il faut simplement se
retenir de ne voir dans ces montagnes qu’un vaste réceptacle et regarder leur
lien à l’extérieur dans une logique d’interaction. Ainsi, en évoquant ici
l’Andalousie, nous n’entendons nullement, comme le veut un usage trop courant,
affirmer l’idée que tout principe actif et fécondant est forcément allogène, ni
conforter l’image d’un Maghreb ou d’une Kabylie dont la compétence ne
dépasserait pas la capacité d’assimiler et de reproduire des apports
extérieurs.
Si toutes ces nuances
et bien d’autres sont introduites, on peut alors mieux distinguer ce qui
ressort d’une histoire politique contemporaine45 et ce qui ressort de
« permanences » culturelles. Ainsi la revendication moderne de
laïcité ou de sécularisation par exemple pourrait s’affranchir de la référence
à une prétendue tiédeur religieuse traditionnelle. Elle ne pourrait qu’y
gagner, car à nos yeux, elle n’a pas besoin de justifications par une présence
endogène ancienne (osons le mot : traditionnelle), pour exister
aujourd’hui et être légitime, d’autant qu’une lecture fine de l’histoire de ce
stéréotype pourrait nous montrer qu’à l’origine il pourrait s’agir d’un moyen
de stigmatisation par le pouvoir central turc pour justifier son action contre
la région46. Cette
revendication a encore moins besoin d’être portée comme un signe distinctif de
la Kabylie par rapport au reste de l’Algérie ou du Maghreb pour être audible,
ce qui, bien entendu, n’est nullement à lire comme la négation de toute
singularité.
par Nedjma Abdelfettah Lalmi
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