vendredi 10 avril 2015

les sentinelles du village


Dda Abdallâh la Mascotte
– Abdallah, le fou du village, une figure qui alimentait l’imaginaire collectif, car autrefois, un village n’en était pas un s’il ne possédait pas son propre fou !, et Abdallah, en est la mascotte du régiment, et un personnage essentiel qui rythmait la vie au village.
Si les villageois pouvaient rire, et s’amuser de ses histoires comme bon leur semble, il n’en est pas de même pour les étrangers qui ne pouvaient pas se payer sa tête, car si les inconnus se moquaient de lui, c’est comme s’ils se moquaient de tout le village.
Au village, on l’appelait « Abdallâh Bou chek chouken » (celui qui ramassait les pièces usées).Tout le monde le connaissait, et tout le monde était son ami, le collectionneur de babioles, gros et petit,de toutes sortes et en tenue spéciale pour la circonstance, burnous, gandoura, coiffé d’une chéchia décorée par les meilleurs objets ramassés,et équipé d’un instrument en guise d’arme en bandoulière
Tôt le matin, il parcourait le village, de long en large à travers ses ruelles et recoins bien particuliers tels les cafés et le dépotoir « aghoudi ledjmaa », à la recherche de bricoles de toutes natures, mais il jetait son dévolu sur les pièces métalliques et les objets tordus, surtout les capsules de bouteille de soda,qu’il rafistolait, et redressait chez son ami le forgeron du village Hakim uchergui, ensuite il confectionnait des accessoires fabuleux comme les porte-clés et des boucles d’oreilles, qu’il épinglait sur ses vetements.il trouvait un attachement presque pathologique à ces objets qui aux yeux des autres n’avaient aucune valeur, fasciné, et attiré par une pulsion irrépressible, un appétit insatiable d’acquisitions, et de trouvailles, tout se passait comme si, entre ses mains, l’objet prenait une autre dimension et devenait vivant, animé et aimé, avec qui, il établissait un rapprochement et une identification étroite et exclusive qu’avec n’importe quel être humain.
Abdallah, qui a passé toute sa vie à collectionner ces choses concrètes perceptibles, et fantaisistes chers à ses yeux. Il faut voir l’excitation et l’émotion, qu’il dégageait à chaque fois qu’il tombait sur un objet peu ordinaire un véritable comportement amoureux,voire névrotique qu’il faut aller rechercher probablement dans la petite enfance, où le pouvoir de l’objet transitionnel qui lui permettait de soulager sa peur de la solitude.son gout pour les objets contrebalançait les traumatismes d’une enfance sans amour.et pour contrecarrer ce manque, ses sentiments se portaient sur un objet fétiche.
Dda Abdallah Nith Ammar, était un homme solitaire,qui vivait dans son monde à lui, sans déranger personne, et sans jamais vivre loin des siens, à l’époque les gens refusaient d’enfermer les fous,pour des raisons religieuses, de dignité, de moyens et leur intégration au sein de la collectivité était considérée comme thérapeutique.
Il faut dire, qu’en ces temps-là, presque chaque famille, ou dans chaque hameau, il avait un fou en son sein, Abdallah Nith Ammar, Abderrahim UAbbas et L’Bachir Nith Bahmed à Tanaqoucht, Si-Smail à Lotta n’souk, et bien d’autres qui hantaient de jour comme de nuit, les villages environnants.
Ces personnages psychologiquement perturbés, quiont perdu la raison, les exclus de la société, ceux-là qui entendaient des voix, que personne n’entendait et voyaient ce qui n’existe pas, parlaient un discours en rupture avec la norme. Leur intégration dans la société est synonyme de réactions tantôt cruelles,tantôt protectrices, car ils restaient la marginalisation de ceux qui sont bizarres, la peur de l’étrange, soeur de la différence, et dans certaines mesures, on leur reconnaît l’innocence, ces personnages particuliers ravis, les simplets, les innocents du village.
Ces gens qui ont perdu l’esprit, ces personnagesmythiques qui occupaient un rôle central dans la population, ils jouaient le rôle ingrat, bien que nécessaire, ils étaient le repère de la normalité des gens du village, et qui les rassuraient qu’ils étaient bel et bien sains d’esprit, depuis que ces laissés pour compte, ont mis les pieds dans les hôpitaux psychiatriques, la folie n’existe plus, elle s’était transformée en maladie.
Notre professeur de médecine en plaisantant nous disait que le premier patient d’un psychiatre c’est lui même et Freud considérait que personne n’est entièrement normal.
Un jour, un des neveux d’Abdallah, Nadir, voulant luifaire la morale, en lui reprochant son attitude obsessionnelle à ramasser des frivolités, il répondit de façon nonchalante et empreinte de sagesse : « on ne siffle pas, à quelqu’un qui a soif ! » Pour dire et signifier à l’autre et à tous que le mal est tellement profond et qui réside dans un besoin, un besoin naturel et vital : l’amour qu’il n’avait jamais eu durant son enfance.lui qui aimait réciter la phrase :« Iwallah, iwallah, dadakh Abdallah ».
Abdallah était le premier époux de Tassadit Nith Bahmed, avant qu’elle divorce, et prit un second conjoint, son cousin, Amar (Dda Mara) Nith Bahmed.Le père du défunt Abdelkrim l’électricien, et Hamid le chauffeur de taxi.
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La parabole du vert et du bleu, « ccah yahwa-yagh »

NB : Ce texte, par son contenu, va peut-être fâcher certains d’entre vous, qu’ils trouvent ici toute ma sympathie et ma b...