jeudi 3 août 2017

"moukoum"


"Moukoum"
C’est dans la djemaa, « Asquif l’djemââ »,ou le toit de l’assemblée, à la mosquée laaraf,ce lieu mythique d’autrefois où se rassemblaient les gens pour débattre de la vie sociale et économique du village ,ce même lieu ,déplacé depuis vers la nouvelle mosquée el Qods à Ighil Laarbaa,(la crête du marché hebdomadaire de mercredi ) est continuellement accaparé durant les grandes vacances d’été par les jeunes et les moins jeunes pour se rappeler les histoires d’autan.
Les nouvelles apportées, les souvenirs racontés et rabâchés étaient écoutées par tous avidement pour êtres commentées par la ensuite, dans un brouhaha indescriptible avec lenteur, pour les faire durer plus longtemps, car il faut bien qu’on ait de quoi s’entretenir pour faire passer toutes les soirées d’été.
Mais ce soir –là, contrairement à l’habitude, la conversation, toujours si animée, tomba peu à peu, jusqu’a ce qu’on n’eut plus rien à se dire. Les yeux fixés à terre. Le silence, de plus en plus prolongé, et qui emplissait du ronflement de deux vieillards restés à l’écart dans un coin de la mosquée.
Et puis quelqu’un toussa si fort qu’il rompit le silence, l’assemblée comprit vite qu’il allait raconter quelque chose et chacun se met à s’approcher davantage plus prés de lui. On s’agglutine, on s’entrechoque, on allume les cigarettes, on tire sur le mégot, et les premières bouffées créèrent instantanément l’atmosphère nécessaire au récit. C’est par cette façon, que l’auditoire marque son grand désir d’écoute.
La voix du conteur monta alors lentement, en devenant de plus en plus pleine, remplissant le silence qui régnait. Même les deux vieux qui somnolaient se réveillèrent brusquement et se rapprochèrent pour écouter
« Vous n’avez pas connu, vous autres,’Moukoum’, l’orgueilleux? Dit le conteur.
Normal, vous êtes trop jeune.il faut croire qu’il n’aimait pas la compagnie et qu’il n’aimait pas du tout le village, sur qui d’ailleurs il ne comptait pas pour le faire vivre, quoique entre les gens du village, on s’entraide mais on ne se fait point de charité. Alors il partait de bonne heure, tous les jours, surtout au printemps la saison qui lui permettait de voyager et de faire sa tournée de travail, au pas et de revenir s’enfermer pour l’hiver. Il partait sans monture, juste sur ses pattes longues et raides depuis qu’il avait vendu son vieux mulet qui n’avait jamais appris à bien trotter !
Moukoum, était un homme rempli d’orgueil et d’amour excessif de soi-même, celui qui cherchait des difficultés pour avoir le plaisir de contester même dans rien, au lieu de se soumettre au principe prouvé .indomptable, insoumis, ombrageux et particulièrement méfiant.il n’était jamais d’accord avec les gens du village.
En tous les cas, voici ce qu’il est arrivé, et c’est ’ Moukoum’ lui-même qui nous l’a raconté.
Un jour, l’orgueilleux s’est aperçu qu’il n’avait pas encore de quoi vivre une semaine.mon dieu, quel désastre ! Il aurait du aller trouver quelques amis qui se comptaient sur le bout des doigts ou ce qu’ils semblaient l’être, ou l’imam du village ou bien monsieur le maire pour leur expliquer son affaire !mais vous connaissez bien ce que c’est qu’un orgueilleux, il a du sang orgueilleux qui coule dans les veines, donc trop fier pour faire le quêteux. «
Et le conteur se tut un instant pour rallumer une autre cigarette et tirer une touche et toute l’assistance fit autant, vivement intéressée par la suite de l’histoire.
« Alors, dit le conteur, qu’est-ce qui restait à faire à un campagnard comme lui, opiniâtre jusqu’aux os ?pouvait-il donner sa tête à couper et consentir à mourir de faim ? Pas du tout, cela n’arrive qu’aux braves gens. Vous le devinez, hein ? Un beau jour, pas forcement comme un jour de printemps, claque la porte de sa maison, et part tout seul et à pieds pour aller quêter du travail dans une petite tournée au pays des « arabes »(les hautes plaines).il se trouve que notre ami, le vieux lascar, un dur et un pur berbérophone, ne savait ni lire ni écrire et il ne parlait pas un traître mot d’arabe !quelle galère !!!!
Le voila donc parti !en laissant femmes et enfants seuls ou presque, car au fond de lui-même il comptait malgré lui, sur la pitié et l’empathie des villageois. Après tout, le voyage était incertain et sur qu’il n’allait pas revenir au bout d’une semaine.
Au bout de cinq jours de marche, il s’est mis à tomber une neige terrible, à en croire les vieux, elle l’a considéraient alors comme une vraie punition divine vue son abondance. Nuls ne pouvaient déblayer, ni ouvrir les portes, d’après les dires, il fallait sortir une gaule à travers les toits pour pouvoir repérer les maisons.
on racontait qu'il faisait tellement froid, que les clous des portes et charpentes cassaient, et dans l’impossibilité de sortir, les gens ont du brûler leurs meubles et tout ce qu’il y’avait dans la maison pour se chauffer.
Le conteur s’étant tu, une seconde fois pour reprendre du souffle, et accorder un laps de temps, juste quelques secondes à l’apitoiement. Mais l’auditoire, anxieux, impatient de connaitre la suite, demanda fébrilement :
qu’a t –il advenu de notre orgueilleux ?
Entre deux bouffées de fumée le conteur répond distrait :
Il s’est retrouvé par miracle au abord d’un village, complètement exténué et affamé. Il a eu la vie sauve grâce un concours de circonstances qui coïncidait avec le décès d’une personne dans le village ou il n’y avait pas d’imam pour réciter le coran sur le mort.il fut accueilli et nourri en contrepartie de jouer le rôle de l’imam, lui qui n’a jamais fréquenté l’école ni appris un quelconque verset coranique.
Il avait passé une partie de la nuit à psalmodier et à réciter sur le mort avec des mots que lui seul connaissait la signification. Des mots aussi bizarres qu’étranges, qui se terminaient par « moukoumou » en référence aux mots arabes dans leurs terminaisons plurielles « koum » d’où le sobriquet de notre homme orgueilleux Moukoum ».
Et le silence reprend ses droits, de plus en plus prolongé, jusqu’a ce qu’une autre personne, toujours sur le même refrain, fait mine de tousser pour annoncer une nouvelle histoire. Sans tarder, une personne toussa et dit : vous vous rappelez de « dine lakroumb ? ».
l.ouali aout 2017
les contes de mon village

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