mercredi 26 avril 2017

L’Allemand qui a fait perdre la tête à ma tante !


L’Allemand qui a fait perdre la tête à ma tante !
(Alzheimer)
Je me souviens lorsqu’elle était consciente, éveillée et douce comme le miel .attentionnée et vertueuse à souhait, elle prenait plaisir d’être aux petits soins à chaque fois qu’on lui rendait visite. Notre tante la quatrième de la fratrie des enfants de Lakhder Bahmed, appelée couramment dans la famille ‘Lalla » était une dame qui avait de la tendresse et de l’amour dans ses gestes et dans son regard, courageuse dans les efforts, passionnée par le travail de la terre. Notre tante était d’un calme olympien, et d’une endurance indescriptible, elle supportait stoïquement et silencieusement les déboires de la vie, elle acceptait gracieusement sans rechigner ce que dieu lui offrait.
Elle avait perdue son mari, mort au combat à la fleur de l’âge, son départ, elle avait vécu dans la douleur et dans une grande colère. Là voila à la croisée des chemins, perdue, sans ressources et des bouches à nourrir. Elle devra assumer le rôle qui était autrefois dévolu au père de famille, à son tour d’aller au combat, d’affronter la guerre et la vie.son pain quotidien se résumait à une bataille sans fin, arracher parcimonieusement à la terre sèche, inféconde, ce qu’elle renfermait de précieux, travailler dur depuis l’aurore jusqu’au coucher, lève tôt, couche tard, s’approvisionner en eau à la fontaine, s’occuper du bétail, doucher, laver, habiller les enfants. Elle était le père sans oublier son rôle de mère.elle le faisait alors admirablement,et courageusement comme le faisait toutes les femmes de la kabylie.
Une seconde fois, là revoilà encore face à l’adversité, lorsqu’elle montrait les premiers signes de sa maladie. Elle avait fréquemment des trous de mémoires.sa langue semblait alors paralysée, engourdie. Elle trouvait d’insurmontables difficultés à prononcer les mots, à retrouver les objets courants, à prononcer les mots les plus usuels, à reconnaître un endroit. A cet instant, pour un laps de temps, elle donnait l’impression d’être perdue, ne retrouvant plus ses repères. Puis comme par enchantement, pareil à un éclair dans un ciel serein, à la lumière qui redonne vie, reprend subitement conscience de son état, murmure joyeusement quelques mots à l’entourage et s’excusait de son égarement.
Je me souviens quelque temps après, petit à petit certains troubles devenaient évidents et remarquables, plus prononcés pour la mémoire courte. Difficulté de se souvenirs des personnes rencontrées plutôt, ou de se rappeler des événements importants, avec une gêne manifestes à trouver le bon mot, ou le bon nom. L’oubli, et la confusion avec le temps ou le lieu devenaient à leur tour une obsession.
Tantôt, notre tante, bien aimée , toute joyeuse, le sourire aux lèvres, prenait du plaisir à nous parler des lieux et des personnes avec forts détails et d’une précision incroyable, à nous conter aussi ses plus belles histoires. Tantôt, d’un seul coup, sans signes annonciateurs, comme un voile qui tombe, oublie tout, ne se souvient plus de ce qu’elle disait juste avant, ne sait ou elle est ni d’où elle vient !murmure quelques périphrases puis plonge dans un mutisme total et sombre dans la mélancolie.
Me voila à coté d’elle, allongée sur son lit, le regard perdu, inconsciente, une respiration saccadée, ne communique plus, déshydratée, immobile, elle donne l’impression d’abandon, et de résignation.
Je sentais dans son regard perdu, dans ses yeux expressifs, dans son apathie, dans sa respiration irrégulière, dans chaque pénible battement de cils, me dire : Adieu
elle décède au printemps de tous les combats,le 20 avril 2017 à sept heure du matin .que dieu ait son ame

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

La parabole du vert et du bleu, « ccah yahwa-yagh »

NB : Ce texte, par son contenu, va peut-être fâcher certains d’entre vous, qu’ils trouvent ici toute ma sympathie et ma b...