mercredi 16 mars 2016

ABDELLAH MEHARZI


Du petit délinquant au grand maquisard
Abdellah Meharzi, était un moudjahid des premières heures, issu d’une famille pauvre appartenant au arch d’ith Achour appelé communément au village Abella Uachour, né en 1926 à idjissen, le village du capitaine Madani Bounouri dit Madani Ubadache, tombé aux champs d’honneur, situé sur la route d’Ith-Djelil et Thala Tinzar,à 9kilometres du chef-lieu de la daïra de Béni Maouche dans la wilaya de Bejaia. Il était le mari de Halima Uchibane, la moudjahida d’Akbou, qui lui était d’un grand secours, en le sauvant d’une mort certaine un certain hiver 1958.
Blessé et enseveli sous la neige, elle lui prodigua les soins nécessaires jusqu'à la guérison totale. Deux enfants sont nés de cette union, Nasser et Djamel.
Il était également l’époux d’une seconde femme, originaire de la ville de Saida, appelée Fatma Taarabth avec laquelle il a eu six enfants, trois filles et trois garçons.
Une troisième épouse, du village d’idjissen, mère d’une fille, Faroudja.
Abdellah n’a pas fréquenté l’école, et il n’a jamais aimé travailler, c’était un garçon querelleur et turbulent, agité et bruyant, il se plaisait dans le trouble, qui contrastait avec son regard de bête douce et tranquille. En 1943, à dix sept ans, son instinct d’indépendance le poussa à immigrer très tôt en France, et s’installa chez son cousin, Amar Achour à Noisy-le-Sec à Seine-Saint-Denis.
Dans cette ville cosmopolite, sauvage, et froide, loin de la solidarité et de l’empathie des gens du village. Il s'égarerait doucement et s’éloignait surement, des préceptes de conduite. A trente ans, l’âge où d’autres sèment et bâtissent lui, Perdu et complètement désorienté, Abdellah, le garçon aux yeux brillants, vire subitement et emprunte une autre destinée. Il devint le gamin des rues, un enfant terrible, canaille, crapule, et fripouille, qui imposait sa volonté par la violence et se procurait des revenus de façon malhonnête.
Le braqueur de pacotille, qui attendait patiemment au coin de la rue pour détrousser les pauvres passants, ou malicieusement à chaque fin de mois, les ouvriers à la sortie d’usine en les délestant de leur maigre mensualité.
Il se servait d’une drôle d’arme de poing, un pistolet en plastique superbement imité, dérobé au cousin chez qui, il nichait.
Abdellah se sentait alors fort, riche et intouchable, jusqu’au jour où la chance avait pris une mauvaise tournure, en allant braquer un flic en civil, un gros monsieur, aussi grand et énorme qu’un éléphant. Ce jour-là, le jour qu’il n’attendait pas du tout, lui, Abdellah, le Bandit d’honneur des temps modernes, le malandrin de grand chemin, se retrouva dans une situation burlesque et inédite, « le braqueur braqué » et devant une vraie arme pointée sur lui. Maitrisé, il finit dans le sous sol du commissariat du treizième arrondissement de Paris.
Alerté, son cousin, Amar Achour vint précipitamment à son secours, il réussit à le faire sortir de prison par un tour de passe-passe dont lui seul connaît le secret (Amar Achour était un moudjahid de la fédération de France, il fut assigné l'internement administratif collectif au camp du Larzac avec prés de 14000 algériens suspectés d’être membres du front de libération national, période 1959-1962).
Tout au long du chemin de retour, Abdellah se souviendra toute sa vie des paroles pas du tout clémentes que son cousin Amar, lui distillait. Des mots acérés, pointus tels une lame tranchante, qui l’ont profondément marqué à jamais, elles le rongeaient à petit feu, le taraudaient chaque jour un peu plus, et mettaient sa conscience à rude épreuve.
Déçu du comportement ingrat, mafieux d’Abdellah, Amar Achour, tenait à lui dire les choses en face, avec véhémence dans l’espoir de le voir reprendre le droit chemin.
Amar s’adressa à Abdellah en ces termes :
« M’écouteras-tu enfin ! Tu n’es qu’un voyou, un vaurien et un sacripant, un misérable qui n’a plus de respect pour le nom qu’il porte. Quelle vanité, quelle fausse gloire de s’attaquer à de paisibles citoyens, alors que tes semblables sont aux djebels à défendre le pays ».
Depuis Abdellah a changé du tout au tout, résigné à devenir utile après avoir été si longtemps nuisible. Il était d’abord nécessaire de regagner la confiance et l’estime de son entourage, pour cela, Il se met immédiatement à travailler, gagner son pain, honnêtement, gagner également du respect d’autrui, gagner les cœurs et les esprits, et le voila !jeune homme plus souple, plus décidé, plus préoccupé de se gagner la bonne opinion de son milieu social.
Puis il décida de rentrer en Algérie, pour intégrer la lutte armée et lorsqu’il réussit, il écrit à son oncle Dda Amar, une longue lettre dans laquelle il lui exprimait sa gratitude et tout son enthousiasme et sa fierté de servir la bonne cause.
Au maquis, Abdellah Meharzi, devint Abella el mortier, car dans sa « Katiba » il était désigné à porter le lourd mortier, une redoutable arme qui faisait ravage sur l’ennemi.
Il sillonnait les montagnes de Bougaa, Ith Ouartirane et Ith Yaala en compagnie de Si Amar El Hafti, Si El Madani Ubadache, du garde champêtre Ben Larbi Abderahmane d’aghdane Salah, Gharzouli laala, Djardjar El Ayachi, Hanache Brahim, Djenad Amar, et bien d’autres.
Abdellah Meharzi, décède le 04 mai 1990 à l’âge de 64 ans, après une longue maladie.
l.ouali mars 2016 (M.Achour)
www.youtube.com/watch?v=hmEVwhNj4_E

samedi 12 mars 2016

rêves d’été (thirga unabdhou)

rêves d’été (thirga unabdhou): rêves d’été ,« Thirga Unabdhou », c’est les souvenirs d’enfance avec ces joies et ces peines, passés à la campagne durant les vacances d’été Les rêves d’été, c’est aussi l’histoire de cet homme sans nom qui marchait sans jamais connaître de répit, et dont le parcours était semé d’innombrables embûches pour qu’en finalité n’est jamais arrivé à destination.

Le chahid Taieb Ubadji


Taieb Abdelhamid
Le chahid Taieb Abdelhamid, dit Taieb Oubadji, un colosse de stature impressionnante, mais, il était aussi colosse de ruse et de vertu, Quatrième de la fratrie, après Mohand Ezzine, Hadda et Mohand, né à Ikhlidjene, Ith YAALA, basse Kabylie, en 1911, et décédé en 1960. il était le fils de Lahcen qui avait trente (30) ans en 1860, et meurt après la naissance de Taieb.
Lahcen était fils du premier Taieb, l’arrière grand-père, né vers 1820 et qui est décédé à un âge avancé vers 1910 à l’âge de 90 ans, lui-même fils de Séghir, Séghir Ben Mouloud, Mouhoub fils d’Abdelmadjid appelé Badji de la lignée des Ibadjiouen, tout comme les Abdelhamid, et Moussi, cette dernière famille fut entièrement décimée durant les années quarante à cause de la famine et du typhus.
Pour rappel, Badji (Abdelmadjid) est l’un des quatre (4) fils du Saint Mohand Oukerri. (Lounis-Barkat-Hammouda-et Abdelmadjid). Taieb avait pour épouse Badji Rezkia, sa seconde épouse, née en 1935, à Ikhlidjene, elle est la fille de Badji Salah, né alors en 1883 , et de Daou Fatima, une cousine paternelle, qui a un lien de parenté avec l’ancêtre Mohand Oukerri.de cette union naissent en 1953 un garçon prénommé Zahir, et plus tard une seconde fille, Zakia, Taieb, avait aussi une fille Khadîdja morte en bas âge, et qui était née de son premier mariage.
Taieb, était Orphelin de père et de mère, sa mère Halima Tayebi, connue sous le nom d’Axxam Oumoussa, décédée juste après la mort du mari, Taieb était pris en charge par son frère ainé, Mohand, lui aussi chahid, mort en 1957 sous les balles assassines du colonialisme français.
Taieb avait fréquenté tout comme ses semblables l’école coranique et exercé le métier d’agriculteur par atavisme ou par nécessité ;jusqu’à l’âge de vingt ans, où il fut incorporé de force, au sein de l’armée française et passa son service militaire au Maroc.
Après deux (2) ans, il retourna à son village, puis part pour la France et rejoint ainsi la communauté algérienne, avec laquelle il passe trois (3) ans et revint au pays riche et conquérant comme crésus ! Il se maria, sa première femme décède quelque temps plus tard, il s’acheta une maison, puis sans tarder, repris son bâton de pèlerin et regagna en France.
Taieb a vécu d’innombrables histoires extraordinaires, incarcéré dans les camps de concentration des nazis, durant la Seconde Guerre mondiale, dans les années quarante avec des milliers d’autres, il s’échappa en prenant la fuite à travers bois et grâce à la complicité d’une villageoise, et entre dans la clandestinité après avoir refusé de répondre à l’appel de la mobilisation générale, et s’enfuit en Belgique, s’installa à « Charleroi », travaillait dans les mines de charbon, comme beaucoup d’Algériens, et y restait pendant trois (3) ans.Mais fini par revenir chez lui, dans son village, ou il fit du commerce son métier, il devint propriétaire d’une boutique d’alimentation générale du côté de « Zaati » sur la route qui mène vers Bordj-Zemmoura.
En automne 1955, Taieb incorpora les rangs de l’armée de libération nationale dans les Aurès, après la mise à l’épreuve habituelle, qui consistait à donner à exécuter une mission à toute nouvelle recrue, un attentat à la bombe à Ain El Beida, exécuté de façon magistrale.
En 1957, une mission délicate lui a été confiée, avec son bataillon constitué de plus de trois cents hommes par le colonel Amirouche afin de ravitailler la révolution d’armes et de munitions à partir de Tunis. Le voyage a duré cinquante-sept jours à travers monts et vaux et c’était les premiers hommes à avoir franchi la ligne Mooris.une ligne électrifiée et minée tout au long de la frontière algero-tunisienne.la mission fut couronnée de succès, malgré la fatigue jusqu’à leur retour au quartier général à Akfadou.
C’est le huit mars 1960, que Taieb Oubadji avait livré sa dernière bataille à El Qalaà, à quelques kilomètres du chef-lieu Guenzet, en compagnie de treize autres combattants, où l’armée française avait mis tous les moyens logistiques et humains possibles, on parlait de 500 hommes armés jusqu’aux dents, épaulés par des avions de combat et des canons à gros calibres. Les compagnons de Si Taieb étaient tous morts aux champs d’honneur, lui s’en est sorti miraculeusement, encore une fois avec quelques blessures.
Il a fallu, à notre héros, Si Taieb, qu’il meure, dans une banale circonstance, touché par une balle tirée accidentellement par son compagnon en plein centre du village de Tamast, pas loin des siens, lorsqu’il est allé rendre visite à ses proches.
lyazid ouali 2014
Extrait du livre"azar nith yaala-Racines-"

mardi 8 mars 2016

le lion des montagnes


La bataille de Taourit Yacoub
Mouloud Belouchet, dit Mouloud Umazouz, natif, du village Ighoudhane né en 1920.le père de trois (3) garçons : Khaled, Mohand-Ezzine, et farhat, de quatre (4) filles : Farida, Yamina, Ouarda, et Nasia. Il est le mari à Taous Oudjlili(Lafi), un homme svelte,bien bâti, et fort de caractère. Juste après sa libération de l’armée française au sein de laquelle il était conscrit de force, il rejoint l’ALN ou il était chargé alors, de l’approvisionnement de la résistance, avant, d’être nommé adjoint politique du secteur II, dans la wilaya III.
Ce jour-là, à la veille de l’Aïd, un commando de moudjahidines composé de trois (3) personnes, Mahieddine Laala, Mouloud Umazouz et son secrétaire Abdelhamid Regoui, avaient pour mission, d’apporter une aide financière, aux veuves de chahid, aux femmes des prisonniers de guerre et aux orphelins.
Au matin, du 28 mars 1960, la mission accomplie, et sur le trajet de Taourit Yacoub un village situé à quelques dizaines de mètres à vol d’oiseau, de la commune de Guenzet, vers Timenquache, ils tombèrent nez à nez avec un groupe de suppléants de l’armée française, des coups de feu éclatèrent de part et d’autre, Belouchet et ses amis avaient préféré éviter l’accrochage, ils s’étaient repliés en prenant le chemin du retour vers Taourit Yacoub.
Au cours de route, Laala se sépare des deux autres en empruntant un autre itinéraire. Aussitôt, l’alerte donnée, la machine de guerre de l’armée française, parquée au poste fixe du régiment des dragons de la commune de Guenzet, se mettait en branle, et encerclait, toutes les issues menant au village, y compris la maison des Bouzidi, dans laquelle, étaient réfugiés, L’Mouloud Umazouz et son compagnon Abdelhamid.
Les soldats regroupèrent femmes et enfants dans la mosquée du village, se rapprochèrent de la maison et tentèrent plusieurs essais pour entrer, sans succès, car immédiatement repoussés par les moudjahidines qui étaient aux aguets, et prés à les recevoir.
Les soldats finissent par choisir une autre solution, escalader les murs et ils se mettaient sur le toit, arrachaient les tuiles, mais là aussi, ils étaient surpris par des rafales d’armes automatiques, et le commando arrivait à repousser l’assaut des soldats. Retranchés dans la maison, bien armés, les deux moudjahidines avaient mené une bataille rude et avaient tenu tête à une armada de soldats, et de harkis, bien plus équipée en hommes et en matériels. L’opération s’est soldée par la mort d’un soldat français, de grade de capitaine, d’un chien, un berger allemand, et quatre (4) autres blessés d’un côté, et la mort du sergent Belouchet, et son adjoint Regoui Abdelhamid de l’autre côté.
Au début, de la bataille, l’armée française voulait les prendre vivants, et, toutes les tentatives de les ramener à la reddition furent vaines, c’est alors, que Belouchet, en homme averti, et sachant qu’il allait tôt ou tard mourir, s’écria du haut de la pergola :
— « Je suis un officier de l’armée de libération nationale, en tant que tel, j’exige de parler à un officier français ».
Le capitaine, hésitant d’abord, se ressaisit ensuite, et monte sur le toit de la maison.
Immédiatement, Abdelhamid surgit et tire une rafale de mitraillette, il le toucha à plusieurs endroits, le corps du soldat tel une masse, dégringole du haut de la toiture et alla s’écraser plus bas sur le sol mort raide.
Les balles fusent de partout, et la fusillade redoublait d’intensité, la bataille a duré plus de trois (3) heures, de 11 heures du matin, à 02 heures de l’après-midi, les soldats français, ont dû utiliser tous les moyens, et finissent par détruire toute la maison, à coup de grenades et de mortiers. l.ouali 2014

dimanche 6 mars 2016

"The postman"


Le chahid Boutouta Ahmed
Le chahid Ahmed Boutouta (1938), l’enfant d’Aourir Eulmi, fils de Bouzid uahbache, (1903/2000) et de Menana Ouali(1916), était un homme ferme, inébranlable, hors du commun, connu par son endurance et sa grande résistance, c’est l’infatigable et le confident vaguemestre de l’armée délibération nationale ; chargé de la livraison, la sécurisation et l’acheminement des documents dans la région de d’ith Yaala et de ses environs.
Chez lui, marcher est conjugué à tous les temps, marcher tout droit avec ardeur et entrain, marcher en avant sans jamais reculer, marcher lentement, posément, vite, marcher à longues enjambées, marcher à pas de loups, marcher indéfiniment jusqu’au but fixé.
Il accomplissait sa tache à pieds en solitaire, Il parcourait des kilomètres à travers forêt, rivières, et montagnes, et rien ne l'arrêtait ni le froid ni la neige de l’hiver ni la chaleur torride de l'été.
Le voilà ! Prit dans le froid rigoureux de décembre, un froid de canard, le froid qui précède l’aube, où, il gèle à pierre fendre.il s’accroupi autour d’un feu, allumé à la va-vite, et qui refuse de prendre.il s’échauffe tant qu’il peut, les mains glacées à la recherche d’une braise sous les cendres.
Le revoilà, tout rouge sous l’ardent soleil de juin, il s’épongeait le visage de temps à autre, soulevant son fardeau qui semblait lui arracher l’épaule, il était jeune et solide gaillard à peine une vingtaine d’années, avec une tête fine, et intelligente, et le dévouement militaire à assurer le fait que « la lettre passe coute que coute ». Loin de s’avouer vaincus, Ahmed l’adjudant, connu pour son impassibilité et son caractère bien trempé, avait appris à vivre avec les aléas du temps.
Ayant une grande connaissance du relief de la région,des routes et des raccourcis, et doté d’un gabarit de coureur de fond, qui puise ses forces au plus profond de lui-même. Il ne s’arrêtait que pour casser la croute, au bord d’un cours d’eau, avec comme seul repas du pain rassis de 2 ou jours voire plus.
Ses compagnons d’armes avaient, du respect et de l’admiration pour sa bravoure et son honnêteté, lui qui ne s’est jamais plaint, ni renoncer à une quelconque mission quelle que soit son ampleur. Ils l’aimaient aussi car Ahmed n’était pas seulement soldat, mais également messager, facteur, émissaire, celui qui est le bienvenu partout, et qui apporte la manne du cœur et de l’esprit, le brave cœur, et le bon soldat, des nouvelles des enfants laissés à la maison, de l'état de santé du vieux rassurant et heureux d’apprendre qu’il est encore vivant, ou d’annoncer la naissance dans un foyer ou de rapporter des nouvelles du maquis.
Quelle joie ! Quelle douce émotion ! Que goûte le combattant au front, dans les grottes ou dans les tranchées, absorbé par l’unique pensée de la guerre, d’apprendre que tout va bien chez lui, et chez ceux qui lui sont proches, ainsi il voit son courage se renouveler davantage, et rend sa détermination encore inflexible.
Ahmed el bazooka, était son nom de guerre, car son arme, une sorte de DCA, qu’il portait sur le dos et les épaules avec laquelle il avait abattu un avion militaire lors d’une bataille rangée entre l’armée française et un groupe de moudjahidines sur le flanc nord d’adhrar. C’était, le 1er mai 1958(1), la bataille avait duré toute la journée où le 1er escadron de la 19e division l'infanterie, issu du fameux 4e régiment des dragons stationnés à Titest et Guenzet, a accroché un bataillon de moudjahidines ou 44 d’entres-eux ont péri ce jour-là.
Depuis une stèle, un canon en fer forgé a été érigé à son honneur et à l’honneur de tous ses compagnons de lutte morts durant la bataille par la commune de Zemmoura au même lieu.
Nb(1) général (2S) JF Marchand) l.ouali mars2016
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mardi 1 mars 2016

Dda Chifi Oukharbouch

                                    Dda Chifi Ukharbouch

                                           (Akaba Mohand Chérif),

                                            Le dompteur de mots

Dda Chifi, le vieux vagabond troubadour à la rococo ; volubile, exubérant et plein de verve. Gai et animé. Le bavard aimant paraître faste sans réellement l’être. Celui qui faisait plus de bruit que les chaudrons de Dodone et qui pouvait tenir tète aux dix plus commères qu’on puisse trouver au village.

Avec une éloquence excessive, frénétique et pompeuse, il parle le langage du cœur. Jacasse comme une pie. Babille du matin au soir sans jamais se fatiguer ; sans être médisant ou calomnieux et sans qu’aucune parole ne soit entachée de déshonore ni de méchanceté.

L’homme au fort caractère, celui qui avait une capacité de persuasion hors norme, jusqu'à ce que les villageois lui prêtent le qualificatif de prédiseur. Le bonhomme, qui faisait des proses sans le savoir.

Fier de son burnous blanc qu’il portait été comme hiver. Une sorte de grande cape à capuchon ; tissé en laine et confectionné à domicile par les femmes. Le burnous enveloppe le corps de la tête aux pieds. Il a été de tout temps le vêtement emblématique de l’homme kabyle. Ramassé et jeté sur une épaule, c’était la tenue idéale de sortie. Serré autour du corps, il ne laisse aucune prise au froid, au vent, à la pluie ou à la neige.

Quant au capuchon (aqelmoun) porté sur la tête ; un symbole d’humilité. Les hommes en faisaient aussi une poche, un sac ou un fourre-tout.

Dda Chifi de son vrai nom Akaba Mohand chérif né en 1908, fils d’Abdellah et de Zouina Ahasniou. Il avait de qui tenir, car son grand-père, Ali Oukharbouch, tout aussi récalcitrant et opiniâtre ; un riche propriétaire terrien, possédant de vastes oliveraies et figueries du côté de Chetioua.

Celui-ci, avait participé à l’insurrection de la Kabylie en mars 1871 au côté du cheikh Mohamed el Mokrani et son frère Boumezrag originaires du royaume d’ith Abbas (XVIème-XIXème siècle). Ali était l’émissaire de Si Zine (Madjid), un riche notable marabout d’Aghdan Salah et fervent allié d’el Mokrani.

À la mort au combat d’el Mokrani en mai 1871, défait des Français. Tous ses compagnons y compris Ali Oukharbouch, furent présentés devant la cours d’assises de Constantine en 1873. Condamnés a purgé leurs peines d’abord dans des prisons en France. Puis déportés dans les bagnes de la Nouvelle-Calédonie, pour finir en tant que forçats jusqu’à 1883 où ils furent amnistiés.

Ali regagne alors son village et fut accueilli avec tous les honneurs.

Dda Chifi, quoique qu’il eût passé toute sa vie, tantôt cultivateur, tantôt marchand de bestiaux. Toutefois, il avait le mérite incontestable d’apprendre dès son jeune âge les rudiments de la langue arabe.

Fréquentant d’abord l’école coranique à la mosquée d’Aghdan Salah ; ensuite, il s’est forgé une volonté d’améliorer ses connaissances en fiqh et la rhétorique à la zaouïa d’Oumalou jusqu’à ce qu’il devienne une référence en la matière. Apprécié et reconnu par les siens, il était consulté en conséquence. D’ailleurs, il a été amené à exécrer le métier d’imam pour un temps dans son village.

Comme dit le proverbe :

« À chaque fois que tu chasses le naturel, il revient au galop ».

Dda Chifi avait vite renoué avec son activité préférée et sa faiblesse pour les jacasseries jusqu’à en baver avec une abondance fébrile. Il ne pouvait s’en passer ; le pauvre, il ne pouvait faire autrement, c’est une véritable seconde nature.

Lui qui disait en réponse à une question sur le bavardage :

- « Tous les hommes sont des menteurs ; hypocrites, orgueilleux et bavards. Moi, je m’estime heureux car je ne possède qu’un seul défaut être loquace.

Mais tout de même si le silence est d’or, la parole est d’argent, et puisque tout ce qui brille m’attire, donc je parle ! Parler haut ; parler bas, parler à voix basse, parler fort, parler vite, parler du nez, parler de la gorge, parler entre les dents, parlez avec des gestes, car parler est un art et les mots ont un pouvoir.

Parler assis parler debout, parler beaucoup, trop, parler sans réflexion, parler pour le plaisir de parler, voilà l’homme ! ».

Dda Chifi, le petit bonhomme coiffé de turban avec un teint mat foncé presque noir, cuivré par le soleil. Au tempérament effronté, l’air un peu fou, grand rieur et distrait.

Il se sait beau-parleur et doué. Alors il en abuse à satiété. Il se plaît à voir se former tout autour des attroupements d’hommes à qui il tenait des propos charmeurs ; confectionnés avec des mots magiques, dont lui seul connait les secrets.

 Quelle parade ! Quelle dextérité !

Il s’exerçait avec tant de soin dans l’art de parler et de plaire. Il parlait comme un oracle ; en homme ; humainement. Évidemment, tout le monde n’avait d’oreille que pour lui.

Et comment ne le soit-il pas ?

Lui qui fait des mots ce qu’il veut, les habillent, les polissent pour leur donner le sens et la couleur qu’il désire. Le Regarder parler ! Il est tel un magicien avec ses cartes. Il jongle avec ; distribue les mots à sa guise avec harmonie, cohérence et ajustement presque céleste et qui pénètrent les âmes.

 Il semble que les mots lui obéissent !

 Il est là lorsque le soleil est au zénith. À se prélasser sur les dalles fraîches de la claire-voie de la djemaa (asquif). Bien entourée et bien décidé à jouer de la mâchoire.

Il est là-bas, de bonne heure en plein souk ; monnayant quelques prunes juteuses et gorgées de soleil. Récoltées dans des paniers d’osier ; arrachées au fond de son verger.

 Il est partout ; omniprésent et presque indispensable pour rompre la monotonie d’un petit village creusé dans une cuvette.  

Brûlante en été et glaciale en hiver ; fuit par les jeunes et gardée par les femmes et les vieux.

 « Ah ! Le bon vieux temps, le bon temps qui s’écoulait lentement » soupire Dda Chifi.

 -« Où il faisait bon vivre ; une époque bénie du respect et de l’amour de l’autre ; où l’on ne se souciait guère du lendemain, même si la vie n’était pas du tout facile dans ces villages dépourvus de tout ».

 À travers cet article, nous rendons hommage à ce personnage, très connu, apprécié, aimé en son temps et oublié depuis par les siens. Lui restituer également sa place parmi tant d’autres gens qui ont fait mon village.

 

 

l.ouali mars 2016 in "les gens qui font mon village"

 

La parabole du vert et du bleu, « ccah yahwa-yagh »

NB : Ce texte, par son contenu, va peut-être fâcher certains d’entre vous, qu’ils trouvent ici toute ma sympathie et ma b...