dimanche 27 novembre 2016

Hamid,le marcheur infatigable


Au quatrième jour, Hamid arriva à la djemaa, tout trompé de sueur, essoufflé, et fini par lâcher après une brève pause.
Écoutez dit-il, je l’ai vu de mes propres yeux, il passait devant moi, en longeant la route en direction d’Aourir Eulmi.
C’etait un homme hors du commun, un marcheur infatigable, une espèce adaptée à la marche, les distances ne l’effraie guère. Il suffisait juste de voir sa façon de se tenir debout, ses pieds robustes et sa démarche souple.
Il était un admirable spécimen, ses bras larges et musclés, sa stature droite et effilée, et son regard franc, calme et attentif.
Hamid etait subjugué, car l’homme aux sandales de moissonneurs de part son tempérament égal, et son caractère aigu, et sa force intérieure, une énergie inépuisable, lui faisait rappeler bien des choses. Cet homme qui lui est inconnu, et qui n’avait jamais vu auparavant, lui ressemblait en tout point.
Hamid avait hérité un fâcheux caractère de son pére, celui d’être têtu comme une mule, mais il avait un cœur docile et résigné comme un agneau, il ne savait rien faire d’autre que de travailler la terre et paître le petit troupeau de chèvres, car tout manquait dans ces régions arides et désolées, pour assurer la substance et la vie des villageois. Alors les gens ont appris à voyager et à parcourir les distances sans compter. Hamid, croyait naïvement et depuis tout le temps, qu’au-delà des montagnes qui entouraient son petit village, où nulles vies ne subsistaient.lui qui connaissait tout de son village, ses coins et recoins, les maisons, les ruelles étroites, les arbres, les pierres et aussi loin que portait son regard, mais jamais il n’avait imaginé un seul instant franchir cette citadelle qui se dressait tel un mur de prison, jusqu’à ce jour où il fit la rencontre de l’homme aux sandales de moissonneur.
Celui-ci lui avait ouvert les yeux et l’esprit, il lui avait donné l’occasion de penser par lui-même, de réfléchir à son avenir et plus encore sur le sens de la vie, et à bien d’autres choses, lui qui n’aimait guère se tortiller l’esprit. Il s’est réveillé de son profond sommeil, et il s’est rendu compte de sa narcolepsie il fallait juste du cran et de l’ambition
De tout temps, ces paysans montagnards, crus, et durs, là où les hivers sont rudes, et les chaleurs torrides, se sont apprivoisés d’instinct où d’atavisme à aller chercher ailleurs ce qu’ils n’ont pas chez eux. Ah ces villages semblables à des nids de faucons, perchés sur les cimes, bâtis sur les pitons de montagnes et les sommets de mamelons qui séparent les vallées,lovés entre des montagnes qui se dressent majestueusement comme de véritables Forteresses, des remparts infranchissables contre les envahisseurs de tout bord. La maison, l’abri dans sa dimension protectrice, elles étaient toutes en dur ou presque, sans étage parfois surmontées de pergolas, couvertes de tuiles rouges, qui s’écrasaient les unes contres les autres et séparées par de fines et étroites ruelles, et s’écoulaient ainsi en longueur pour en faire un collier de perle.
Partir c’est mourir un peu, mieux que de rester et de crever doucement, pensait Hamid, en faisant fi de la séparation et de la douleur.
Hamid, avait vu d’abord, son père, partir ailleurs troquer sa force contre de menus fretins, puis vint le tour de son demi-frère et son frère de quitter le village et d’aller au pays où on gagnait de l’argent, et pourquoi pas lui, pensait-il ? Il n’avait pas tardé à suivre le même chemin que son père. Tout le monde au village se rappelait du pére de Hamid, un personnage peu commun par sa vigueur musculaire, et son entêtement acquis probablement de la dureté, et la rugosité des montagnes, celui qui avait surtout conjugué le verbe « troquer » à tous les temps. D’abord il avait troqué le savoir contre le métier de berger, quoique qu’il n’ait nullement le choix, puis l’école coranique à l’école classique et enfin à chaque retour au bled il troquait son costume trois pièces contre une gandoura et claquette. Il s’asseyait à la djemaa entouré de ses amis en se remémorant à satiété les jours d’avant.
Hamid, etait Habitué à bourlinguer depuis sa tendre enfance, il n’hésita pas un seul instant à se débarrasser de son bâton pastoral et aller à la conquête de la grande ville, avec ses charmes et ses rêves. Il était persuadé, comme tous les enfants de son age, que le monde se limitait à son village, un trou perdu, encerclé par d’infranchissables montagnes .une image que sa petite cervelle le lui renvoyait .Il se ressaisit vite comme s’il venait de recevoir une claque, une fois le taxi lourdement chargé dans lequel il etait, avait franchi les montagnes. Il fut conquis, la joie illuminait son visage, tout heureux de découvrir les routes bitumées et les plaines à pertes de vue, les yeux grands ouverts, le cœur joyeux, et chargé d’émotion, les souvenirs se bousculaient dans sa tête, à la vitesse du véhicule qui longeait la route Bordj Bou Arrerridj et la ville d’El Achir, droite sur douze kilomètres et qui semblait interminable.
A ce moment, Il s’était rappelé quand il est allé rendre visite à l’imam du village, celui-ci était alors une reconnaissance sociale et une influence religieuse sans partage, une figure bien établie qui faisait autorité, un homme qui détenait savoir et pouvoir. Hamid est allé le voir comme le faisait tous les villageois qui désiraient partir, pour lui demander permission et surtout recevoir sa bénédiction (prière du salut).
Cette matinée-là, Hamid de nature réservée et craintive , percluse de réticences avait du ramassé tout ce qu’il lui restait comme courage, le cœur lourd, et les yeux larmoyants, il ne trouvait de l’aisance et du contentement qu’auprès d’un ami d’enfance qui l’avait d’ailleurs persuadé, à aller a la rencontre du cheikh, sans lui, il n’aurait jamais pu franchi le seuil de la porte. Le cheikh avec sa gandoura et son burnous, etait assis à même le sol, le regard perdu, le geste assuré, un modèle religieux approprié dans sa personne, sa tenue et son habillement. Hamid s’avança timidement, s’agenouilla pieusement devant le cheikh, dans un élan d’humilité religieuse, les yeux fixant le sol, évitant sciemment de croiser son regard, manifestement gêné, il fut précipitamment sa demande, pressé d’en finir au plus vite.
L’imam, très pesant, prenant tout son temps, et après un long silence, suivi d’un long soupir, fini par lâcher :
-« J’ai vu partir l’un après l’autre, ton père, tes frère, tes cousins et beaucoup de personnes qui faisaient la force et la richesse de ce village, car il n’y a ni richesse ni force que d’hommes. Cette terre est pareille à l’arbre qui perd ses fruits ou une mère qui voit partir ses enfants.
Je ne saurais te dire s’il faut partir ou rester, car bien des gens sont venus me voir tout comme toi pour me demander conseils et absolution et qui en finalité n’ont fait qu’a leur tête. J’ai peur de t’enfoncer si je te dis que ton avenir est parmi nous, mais je suis persuadé que ta décision est déjà prise et rien au monde ne te fera renoncer à l’appel de la ville. Alors va mon fils, va vers ton destin, je te donne ma bénédiction et que dieu te vienne en aide. »
Hamid, ne pouvant contenir tant d’émotion sanglotât longuement derrière la porte, et se jeta de tout son poids dans les bras de son compagnon. Sa pensée est allée aussi vers sa mère, pitoyable, vieillie par la douleur plus que par l’age, avec ses lamentions telles les remous des vagues qui martèlent sa petite tête comme un tambour.il se rappelle bien des dernières paroles encore toutes fraîches qui lui reviennent à l’esprit quand la mère exprimait ses sentiments sur un ton solennel et lamentable :
-« Oh mon fils bien –aimé, toi qui plantais, et récoltais et qui veillais sur nous, ton départ va ôter la joie de cette maison et obscurcir davantage ma vie. Que deviendrais-je sans toi ? ». Hamid fut brusquement ramené à la réalité en se réveillant de son sommeil, lorsque le véhicule s’arrêta brusquement dans un grincement de frein et le chauffeur d’une voix aigue et criarde :
-« nous voila en ville ! »
-« où dois-je vous déposez monsieur Hamid ? »
-« chez mon frère, tu dois connaitre l’adresse répond timidement Hamid.
Au matin, il découvre d’abord l’appartement et la chambre dans laquelle il avait passé la nuit et qui sera par la suite l’unique chambre qu’il partagera pour une longue durée avec son épouse et ses enfants. Puis avec éblouissement la magie de la ville, avec ses lumières, ses voitures et ses buildings. Un présent qui semble –il le délivre de l’étroitesse ruelles du village et des bois sombres et glacés.
Il poursuit ainsi son chemin ,celui déjà emprunté par son pére en exerçant des menus travaux en débutant par être boulanger d’abord puis en revenant à sa véritable nature d’aventurier , pour être chauffeur d’entreprise puis de taxi . Et comme marcher lui collait à la peau il revient à son premier métier de boulanger une fois établi en France !comme quoi Hamid cours toujours après le pain ! Hamid avait connu une jeunesse difficile, il avait du trainer ses grolles un peu partout sans jamais trouver le milieu qui lui sied. Jusqu’au ou il débarque en France.
Et lorsque il revient de temps à autre au bled, il retrouve alors ses amis, ses proches bien mieux, qui ont de la santé alors que chez lui se lisait les regrets infinis d’avoir tant donné pour si peu.
l.ouali in "rêves d’été"-thirga unabdhou-
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